Londres, 1200
sont-ils dans chaque barque ?
s’enquit Locksley, saisissant la lourde épée et la rondache que lui tendait
l’écuyer.
— Cinq ou six, seigneur, répondit l’autre
d’une voix blanche.
Guilhem revint au plat-bord. Locksley et ses
Saxons étaient prêts, armés, casqués, ayant enfilé leur gant et tendu la corde
de leur arc.
Les barques n’étaient plus loin et gagnaient sur
eux. Il n’y avait aucune possibilité que la nef leur échappe. Guilhem observa
la plus proche. Ils n’étaient pas cinq ou six à bord mais au moins huit en
comptant celui qui tenait la barre. Serrés les uns contre les autres, ils
brandissaient couteaux, haches et épieux, ivres du sang et du pillage à venir.
Leurs hurlements sauvages parvenaient par instants à la nef, glaçant d’effroi
les marins. Ils s’approchaient du flanc tribord du navire quand les Saxons
élevèrent leurs arcs de toute la longueur de leur bras gauche, puis, dans un
même mouvement, ils tendirent la corde jusqu’à ce qu’elle touche leur oreille.
Quand Locksley donna l’ordre, les flèches fendirent l’air en sifflant.
La barque de tête était à une centaine de pieds et
trois hommes reçurent un trait en pleine poitrine, sans pour autant tomber tant
ils étaient serrés. Aussitôt une seconde volée de flèches partit en direction
de la seconde barque, puis ce fut un troisième tir.
Le premier canot heurta la nef avec violence,
faisant chanceler marins et défenseurs sur le pont. Du château arrière, Guilhem
et Bartolomeo sautèrent sans attendre à son bord, abattant leurs épées sans
même choisir leurs victimes, taillant les chairs, tranchant les membres et
brisant des têtes. Les pirates ne s’attendaient pas à être ainsi pris à partie
et l’homme de barre, terrorisé par cette sauvagerie imprévue, se jeta dans la
mer. Rapidement, les deux hommes furent maîtres de l’embarcation.
Déjà les deux autres barques avaient abordé la
nef. Les survivants sautèrent à bord, décidés à venger leurs compagnons tués
par les flèches. Mais que pouvaient-ils faire contre les Saxons, tous combattants
aguerris, bien armés et protégés par leur camail, leurs casques et leurs
rondaches ? Robert de Locksley décapita le premier qui l’approcha, puis
brisa un crâne avant d’ouvrir un ventre. Cédric et Ranulphe, trop heureux de
pouvoir se battre sans refréner leurs plus cruels instincts, massacrèrent sans
pitié et même avec plaisir. Même Jehan se battit et les pirates qui tombaient
sur le pont étaient achevés par les marins à coups de couteau, malgré leurs
supplications.
Assistant à ce carnage, le capitaine d’une des
barques tenta vainement de dégager son canot mais Cédric sauta à son bord et
lui trancha la main tenant le gouvernail. Le pirate hurla en voyant son moignon
tomber, alors le Saxon eut pitié de sa douleur et lui abattit sa lourde épée
sur la tête.
La bataille fut rapidement terminée. Très vite le
silence revint, à peine troublé par le clapotis de la houle et les gémissements
des agonisants. Des flots de sang s’écoulaient des corps sans vie ou des
mourants.
C’est alors que retentirent les appels de Guilhem.
Incapable de diriger la barque dans laquelle il se trouvait, elle s’éloignait
rapidement de la nef.
Immédiatement, le capitaine mit son bateau sous le
vent et ordonna à ses hommes de prendre les rames. Très vite, ils parvinrent à
la barque et lancèrent un cordage à Bartolomeo. Entre-temps, les deux autres
canots pirates avaient été amarrés par des cordes et, finalement, tout le monde
se retrouva sain et sauf sur le pont de l’Anatasie.
Morts ou encore vivants, les pirates furent jetés
à la mer et les embarcations fouillées, mais elles ne contenaient aucun objet
de valeur. Le capitaine hésitait à les abandonner, car elles étaient en bon
état et possédaient de bonnes voiles. Il proposa à Guilhem de les prendre en
remorque et de les revendre pour lui dans la baie de Crozon où il en tirerait
au moins dix livres pour chacun. Guilhem acquiesça, car cela ne les retarderait
guère.
Le soir, ils jetèrent l’ancre dans une crique
abritée où le capitaine demanda de ne pas allumer de lanternes. D’autres
pirates pouvaient venir dans la nuit et il établit un tour de garde. Les marins
finirent de nettoyer le pont encore sanglant, puis ils soupèrent ensemble,
joyeusement, dans une sorte de communion de combattants.
Maître Berthomieu commençait toujours le repas du
soir
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