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Londres, 1200

Londres, 1200

Titel: Londres, 1200 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean (d) Aillon
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n’arrivant plus à maintenir la barre. Le pilote
rejoignit alors son cousin pour l’aider, tandis que les marins se réfugiaient
dans la cale. La coque n’était plus qu’un bouchon ballotté dans un chaos d’eau
et de vent.
    L’obscurité s’étendit.
    Dans le refuge entre les tonneaux, ils étaient
tous serrés, malades et terrorisés. Cédric, Ranulphe et Anna Maria priaient.
Comme les autres, Jehan avait rejeté tout ce que contenait son estomac et il
attendait la mort avec soulagement. Étendu dans le passage vers le pont, douché
par les vagues, Locksley se sentait impuissant.
    Depuis combien de temps durait la fureur des
éléments ? Certainement des heures. La coque craquait de toutes parts et,
certain que la fin était proche, Guilhem décida de ne pas faire le grand
passage dans cette bauge puante. Il dit adieu à son ami et rampa jusqu’à la
sortie.
    À peine était-il sur le pont que la coque se
retourna d’un quart. Se retenant au plat-bord à deux mains, il fut précipité
dans l’eau glaciale où il s’étouffa jusqu’à ce qu’un mouvement inverse de la
nef le ramène à l’air. La nuit était profonde, mais un croissant de lune
apparaissait par instants entre les nuages.
    Fouetté par les embruns, il distingua un bref
instant le capitaine et son cousin, le pilote, qui tenaient toujours solidement
la barre malgré le choc des lames. Ils n’avaient donc pas été emportés par les
flots comme il le croyait. S’agrippant à la rambarde, il parvint jusqu’à eux où
il s’affala sur un banc de nage, à l’abri de la fureur des vagues déferlant sur
le pont.
    — Vous n’avez pas peur ? hurla-t-il au
capitaine pourtant à deux pieds de lui.
    — Bien sûr que j’ai peur, seigneur !
cria l’autre qui paraissait pourtant extraordinairement calme, mais chaque fois
que je survis à ces déchaînements, je suis un peu plus assuré de la
bienveillance du Seigneur envers moi.
    Son cousin, cramponné au timon, approuva de la
tête sans rien dire, jugeant sans doute inutile d’essayer de couvrir les
mugissements des vagues et du vent.
    Secoué en tous sens et abondamment rincé, Guilhem
digéra la réponse sans rien ajouter. Il avait vu le capitaine effrayé par les
pirates et il le découvrait maintenant solide comme un roc dans cette tourmente
qui, lui, le terrorisait. Il devinait combien cet homme était différent de lui.
Guilhem avait choisi de ne dépendre que de lui-même, de sa force et de son
adresse. Il jugeait toujours possible de vaincre un ennemi par la ruse ou par
la violence. Mais il se savait démuni devant les éléments. Par contre, le
capitaine plaçait sa confiance dans la divine Providence, et tant qu’il restait
vivant, il était persuadé d’être élu, ce qui lui donnait la force de ne pas
perdre courage quelle que soit l’adversité.
    — Et vous, avez-vous peur ? cria le
capitaine Berthomieu.
    — Oui, fit sombrement Guilhem. Mais si je
meurs maintenant, si les flots m’engloutissent, je sais que je l’aurai mérité.
    Un craquement sinistre se fit entendre. Bien que
solidement amarrés, les tonneaux bougeaient.
    — Croyez-vous que votre nef va
résister ?
    — Tant que nous ne heurterons pas de roche,
certainement, et comme nous filons au large, nous ne devrions pas en
rencontrer. J’ai connu de pires tempêtes, vous savez. Ce qui m’inquiète surtout
est de m’éloigner de la côte. Vous avez remarqué qu’on ne voit plus rien ?
    — Que risquons-nous ?
    — Que le mât se brise, que les voiles soient
déchirées, qu’on se perde dans l’immensité de l’océan, or nous n’avons guère
d’eau. Et surtout il y a les monstres…
    — Quels monstres ? s’inquiéta Guilhem.
    — Ceux qui vivent dans les profondeurs. Ils
ne s’approchent pas des côtes mais, au large, ils nous attraperont et nous
dévoreront.
    Curieusement, l’idée de se battre contre des
monstres redonna courage à Guilhem qui songea à aller chercher son épée.
    — On m’a dit qu’on pouvait aussi tomber au
bout de la terre, si on allait trop loin en mer, risqua-t-il au bout d’un moment.
    — Vous croyez que la terre est plate ?
intervint le pilote alors que le vent semblait se calmer.
    — Pourrait-elle être autrement ? demanda
Guilhem.
    — Quand je suis sur le gaillard ou en haut du
mât, je vois plus loin que si je suis sur le pont, et quand j’aperçois un
bateau, je distingue le haut de son mât avant la coque. Savez-vous
pourquoi ? lui cria

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