L'or de Poséidon
étages donnent le temps de réfléchir, mais ce ne fut pas suffisant.
Haïssant et regrettant mon frère en même temps, je me sentais épuisé, sale, déprimé, et j’avais froid. J’aurais pu me laisser tomber sur n’importe quel palier, mais il y faisait trop froid et l’odeur d’urine empestait. Il fallait que je fasse l’effort de regagner mon lit, conscient que je devrais le quitter dans pas longtemps. Le désespoir rendait mes pas pesants. Je me tuais à résoudre un problème insoluble. Le désastre n’allait pas tarder à s’abattre sur moi. En atteignant enfin mon appartement, mes grognements redoublèrent car d’autres ennuis m’y attendaient à coup sûr. Sous la porte mal ajustée filtrait un rayon de lumière. Cela ne pouvait avoir qu’une seule signification : quelqu’un s’était introduit chez moi.
J’avais déjà fait beaucoup trop de bruit pour prétendre à un effet de surprise. Je savais aussi que j’étais bien trop ivre pour ergoter avec qui que ce soit, et trop fatigué pour me battre.
Alors je fis tout ce qu’il ne fallait pas. Je ne pris aucune précaution, et ne me donnai même pas la peine de prévoir un moyen de m’échapper. Bafouant mes propres règles, j’entrai chez moi et refermai la porte d’un coup de pied.
Je fixais toujours la lampe qui brûlait sur la table, quand une petite voix me parvint de la chambre :
— Ce n’est que moi.
— Helena !
Je fis l’effort de me remémorer qu’une des raisons qui me faisaient l’aimer était cette faculté qu’elle avait de toujours pouvoir me surprendre. Puis, je tentai de dissimuler mon ivresse. Mon premier geste fut donc de souffler la lampe.
Je laissai tomber ma ceinture et retirai mes bottes. J’avais beau être complètement transi, je fis un geste envers la civilisation et me débarrassai de plusieurs couches de vêtements. En m’entendant trébucher en direction du lit, Helena dut deviner dans quel état je me trouvais. Le problème, c’est que j’avais tout oublié du nouveau lit. Il ne se trouvait pas sur la trajectoire que mes pieds connaissaient, puisque nous l’avions éloigné du grand trou qui subsistait dans le toit. (Smaractus n’avait pas encore jugé bon de le faire réparer.) Il n’avait pas non plus la même hauteur, si bien que quand je finis par le trouver, je faillis en tomber après m’être écroulé dessus. Helena m’embrassa, une seule fois, et se plaignit de ma mauvaise haleine en termes vifs. Elle jugea ensuite plus prudent d’enfouir son visage sous mon aisselle.
— Désolé… j’ai dû suborner des témoins. (Je me sentais progressivement envahi par une douce chaleur et j’eus bien du mal à adopter un ton sévère :) Dis-moi, polissonne entêtée, j’ai pris la peine de t’accompagner chez ma mère, à ta demande ! Quelle est ton excuse ?
Helena se colla encore plus étroitement à moi. Elle savait que je n’étais pas vraiment en colère.
— Oh ! Marcus, tu me manquais trop…
— Au point de risquer de te faire agresser ? Comment es-tu revenue ici ?
— En toute sécurité. Avec le mari de Maia. Il est monté avec moi et a vérifié que personne n’attendait dans cet appartement. J’ai passé la soirée à rendre visite à toutes tes sœurs pour les interroger sur le couteau qui se trouvait à la caupona. J’ai traîné ta mère avec moi, même si elle n’était pas très enthousiaste. Et j’ai pensé que tu aimerais connaître le résultat de mon enquête, dit-elle d’une toute petite voix.
— Friponne ! Alors, quelle est la bonne nouvelle ?
J’essayai vainement de retenir un rot – un rot assez discret mais un rot tout de même. Je sentis Helena se glisser au fond du lit, et sa voix me parvint complètement étouffée :
— Malheureusement, je n’ai rien appris. Personne ne se rappelle avoir pris ce couteau chez ta mère, et encore moins s’en être servi chez Flora.
Même allongé immobile dans le noir, je sentais la tête qui me tournait.
— La journée n’a pas été un échec complet. De mon côté, j’ai appris deux ou trois choses. Censorinus avait amené un compagnon à Rome. Un certain Laurentius. C’est un bon tuyau. Petro va devoir lui mettre la main dessus avant que Marponius puisse me faire juger.
— Tu crois qu’il pourrait être le meurtrier ?
— Pas vraiment, mais c’est tout de même une possibilité. (J’avais un mal fou à articuler.) Et puis il y a – enfin il y avait – un
Weitere Kostenlose Bücher