L'or de Poséidon
Falco ! Si j’ai pas arrêté le serveur, j’ai laissé quelqu’un pour surveiller le bouge où il travaille. Mais j’ai la nette impression que s’il pouvait dire quelque chose qui t’innocente, il n’hésiterait pas une seconde. Il est très loyal envers toi.
— Je ne vois pas pourquoi, avouai-je.
— Et moi non plus ! renchérit Petro, toujours aussi amical. Tu l’as peut-être payé pour confirmer ton histoire ? (En voyant ma tête, il comprit qu’il était allé trop loin.) C’est sans doute parce qu’il était ami avec Festus. Ce qui est certain, c’est que cet Epimandos est paniqué à l’idée d’être responsable de tes ennuis avec Marponius. J’ai eu beau lui dire que tu étais parfaitement capable de te faire arrêter pour un faux motif sans l’aide de personne, il n’est pas rassuré pour autant.
— J’espère que ça veut dire qu’il m’offrira à boire gratuitement, la prochaine fois que j’irai chez Flora !… Donne-moi plutôt des nouvelles de notre cher ami le juge.
Petronius poussa un grognement de dégoût.
— Si tu me donnais, toi, les tuyaux que tu prétends avoir.
— Rien de spectaculaire. J’ai deux noms. D’abord celui d’un sculpteur : Oronte Mediolanus. Il y a plusieurs années qu’il a disparu et il connaissait Festus.
— C’est pas très prometteur.
— Je sais. Je vais essayer de suivre cette piste moi-même. C’est ma spécialité, les pistes qui ne mènent nulle part. J’ai aussi appris qu’il y avait un autre centurion à Rome, un certain Laurentius, qui pose les mêmes questions que Censorinus.
Cette fois, Petro hocha la tête d’un air intéressé.
— Je vais m’occuper de lui. D’autant plus que j’ai fini par faire raconter à ta mère que Censorinus était sorti plusieurs fois le soir pour rencontrer un ami.
— Elle aurait pu me le dire à moi aussi !
— Elle l’aurait sûrement fait si tu posais les bonnes questions, s’empressa de dire Petro avec un sourire narquois. Tu devrais laisser faire les professionnels, Falco !
— Va te faire foutre !
— Du calme, ta mère m’en a parlé par hasard. Ce Laurentius est pourtant un bon candidat. Les centurions ont demandé à Censorinus de s’installer chez ta mère pour harceler la famille, tandis que l’autre poursuivait les recherches sur un autre terrain.
Petro se redressa sur son tabouret et fit bouger ses épaules, comme s’il ressentait lui aussi les effets de cette matinée humide. Ce colosse détestait la pluie car il aimait passer son temps dehors – sauf quand il rentrait à la maison pour jouer avec ses enfants.
— As-tu remarqué cette facture d’un mansio de Campanie ? demanda-t-il soudain.
Il fermait à demi les yeux et gardait un visage impassible. Sa question impliquait pourtant qu’il savait que j’avais inspecté les bagages du mort à la caupona.
— Je l’ai remarquée, confirmai-je.
— J’ai eu l’impression que cette facture correspondait à deux personnes.
— Ça ne m’a pas frappé.
— Ce n’était pas écrit, mais à en juger par les tarifs pratiqués à la campagne, je suis sûr que c’était assez pour le foin de deux chevaux ou deux mules, et plus d’un lit. (Il baissa la voix.) Ce mansio se trouve bien près de la ferme de ton grand-père ?
— Pas très loin, en effet. J’aurais aimé y aller, mais étant libéré sous caution…
— Ça t’a pas empêché d’aller à Ostie, me coupa-t-il.
Comment pouvait-il le savoir ?
— Ne me dis pas que tu me fais suivre, espèce de salaud !
Il ne fit aucun commentaire sur le sujet.
— Merci pour le nom de Laurentius. Je vais interroger les autorités militaires. L’ennuyeux, c’est que s’il est venu à Rome en permission, sa présence n’a peut-être pas été notée sur les registres officiels.
— S’il était simplement venu passer de petites vacances avec Censorinus, il aurait dû venir se présenter tout de suite après son assassinat.
— C’est vrai, acquiesça Petro… S’il le faut, j’écrirai à la Quinzième pour avoir des renseignements sur lui, mais ça va demander des semaines.
— Moi, je dirais des mois. Et s’ils n’ont rien contre lui, il y a de fortes chances qu’ils ne se donnent même pas la peine de répondre à une enquête civile.
— Et s’il n’a pas les fesses propres, ajouta Petro avec un cynisme justifié, ils l’abandonneront discrètement et ne me répondront pas davantage.
Les soldats
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