L'or de Poséidon
confrontation et que, quelle qu’en soit l’issue, elle ne peut être que douloureuse pour lui.
— Mais est-ce que vous allez pouvoir éviter de payer tout cet argent à Carus ?
— C’est loin d’être évident, soupirai-je. Carus possède la preuve écrite qu’il a versé la somme convenue à Festus, et nous n’avons aucun papier établissant qu’Oronte a bien remis la statue à son représentant à Tyr. Aristedon et tout l’équipage se sont noyés dans le naufrage de leur bateau. Il ne reste aucun autre témoin.
— Et il n’y a naturellement pas possibilité de prouver qu’Oronte s’est laissé acheter ?
— Non, chérie. C’est la parole d’Oronte contre celle de Carus.
— Ce sculpteur pourrait néanmoins apparaître comme témoin ?
— Oh, ça oui ! acquiesçai-je sombrement. Si nous parvenons à le garder en vie, sobre, et s’il accepte de témoigner. Et tu peux imaginer que Carus fera tout pour que ça n’arrive pas. Il faudrait qu’on trouve un moyen pour qu’il ait plus peur de nous que de Carus. Alors peut-être qu’il dirait la vérité devant un jury, mais il faudrait aussi parvenir à donner une apparence crédible à ce triste personnage !
— De toute façon, Carus achèterait probablement le jury. (Helena me déposa un baiser dans l’oreille.) Et Oronte sera un mauvais témoin. Il a ignoré les instructions de ton frère et vendu le reçu à Carus sans l’ombre d’une hésitation. L’avocat de la partie adverse aura beau jeu de l’accuser de mauvaise foi invétérée. Ce procès est perdu d’avance.
— Tu as tout à fait raison. Opposé à Carus devant un tribunal, Oronte serait tout de suite discrédité… Mais il n’est pas question de confier cette affaire à des avocats. Pourquoi aller payer des honoraires à ces bavards quand on est déjà dans le caca jusqu’à cou ? Ce serait de l’argent jeté. Je suis pourtant d’accord avec Geminus sur un point. Il faut faire quelque chose !
— Oui, mais quoi ?
Ses mains s’égaraient agréablement dans des endroits qui apprécient les mains égarées.
— On n’a pas encore décidé quoi. Mais il faut que ce soit spectaculaire.
Le silence s’installa entre nous. Parvenir à se venger des collectionneurs allait demander du temps et un plan soigneusement élaboré. Il était trop tard pour en discuter maintenant, mais j’espérais bien qu’Helena y contribuerait. Elle haïssait trop l’injustice pour qu’il en soit autrement.
Elle était devenue complètement inerte entre mes bras. Je devinais néanmoins que des tas de pensées bouillonnaient dans son cerveau. Et, comme pour me donner raison, elle s’exclama :
— On peut te faire confiance pour escamoter la moitié d’une histoire !
Je sursautai, craignant d’avoir manqué quelque chose d’important.
— Le charmant modèle nu a disparu comme par enchantement !
Je ris maladroitement.
— Oh, elle ! Pendant que le sculpteur était évanoui, nous lui avons donné le choix entre se taire ou être enfermée lorsque nous le réveillerions pour le questionner encore. Elle a choisi la seconde solution et nous l’avons bouclée dans le sarcophage.
— J’espère qu’après, Oronte a pu la faire sortir ?
— Hmm ! Je ne voudrais pas faire de sordides suggestions, marmonnai-je… Cependant, j’imagine que quand mon horrible père en aura assez de discuter de théories sur l’art, il va donner assez de vin au sculpteur pour le rendre inconscient. Ensuite, il est fort probable que Geminus prendra l’initiative de libérer le modèle lui-même.
Helena Justina fit mine de ne pas saisir mon allusion.
— Alors quel est le programme de demain, Marcus ?
— Demain, promis-je avec un intense soulagement, toi, mon joyeux père, Oronte – et son pulpeux modèle s’il veut l’emmener –, nous rentrons tous à la maison… Je me demande si Smaractus aura pris la peine de faire réparer la toiture ?
Helena resta de nouveau silencieuse. Peut-être essayait-elle d’envisager à quoi allait ressembler le voyage en compagnie de Rubinia ? À moins qu’elle ne soit en train de penser à notre toit ?
J’avais de quoi m’occuper l’esprit moi aussi, et pas une seule de mes réflexions n’était vraiment réjouissante. En priorité, je devais trouver un moyen de punir Carus et Servia. Il fallait absolument éviter de leur verser un demi-million de sesterces que nous ne leur devions pas. Pour m’éviter d’être
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