L'or de Poséidon
épaisse. Il n’était pas question qu’emporté dans mon élan je m’écrase dans la chambre condamnée au milieu des décombres. Ce qui s’y trouvait était peut-être fragile.
En commençant par enlever la première couche de plâtre, je parvins à distinguer l’endroit où une latte rejoignait le linteau. Sous ces lattes de bois servant de support au plâtre, l’ouverture avait été bloquée avec des briques d’argile, mais le travail était grossier, les joints ne demandèrent qu’à s’effriter. En commençant par le haut, j’essayai de desceller proprement les briques. Après beaucoup d’efforts, la première céda. Les autres vinrent plus facilement. Helena Justina m’aida à les entasser proprement sur le côté.
Il y avait bien une deuxième pièce, et par l’ouverture déjà faite, je pouvais apercevoir une fenêtre identique à celle de la chambre dans laquelle nous nous trouvions. Cependant, une obscurité totale y régnait, et j’avais fait voler beaucoup de poussière qui ne s’était pas encore reposée. Passant la tête par le trou, je ne pus absolument rien distinguer. Patiemment, j’agrandis le passage suffisamment pour pouvoir me faufiler de l’autre côté.
Quand ce fut fait, Helena m’étreignit en se plaquant contre mes épaules humides de sueur, puis me tendit la lampe. Couvert de poussière, je lui adressai un sourire exalté. Tenant la lumière devant moi, j’entrai en me glissant de côté dans l’autre chambre aussi silencieuse qu’une tombe.
J’avais un peu espéré la trouver remplie de trésors, ce qui n’était pas le cas. Il y avait un seul occupant. Au moment où je me redressai, je rencontrai les yeux de l’homme. Il se tenait debout devant le mur opposé et me fixait sans ciller.
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— Oh, Jupiter !
Ce n’était pas un homme. C’était un dieu. Et pas n’importe quel dieu, le dieu suprême, le maître du ciel.
Il y a cinq cents ans, un sculpteur au talent divin avait insufflé la vie à un bloc de marbre massif, créant ce que j’avais devant les yeux. Avant de devenir très célèbre, ce sculpteur, qui allait plus tard orner le Parthénon, avait sculpté pour un petit temple inconnu ce Zeus qui avait dû dépasser toutes leurs espérances. Cinq cents ans plus tard, un gang de prêtres ignobles l’avait vendu à mon frère. Et il s’était trouvé remisé dans cette chambre dérobée.
Les difficultés pour le hisser en haut de l’escalier avaient dû être énormes. Un palan utilisé par Festus gisait abandonné dans un coin. Je me demandais si Epimandos l’avait aidé. Très certainement.
Helena, qui s’était précipitée derrière moi, m’avait agrippé le bras et restait bouche bée.
— Jolie pièce ! murmurai-je en imitant Geminus.
Helena commençait à connaître elle aussi la chanson :
— Hmm ! Un peu grand pour un usage domestique, mais je vois tout de même deux ou trois possibilités…
Zeus, nu et doté d’une grande barbe, nous observait avec une majesté tranquille. Son bras droit dressé s’apprêtait à lancer la foudre. Posé sur un piédestal, dans le saint des saints obscur d’un temple ionique, il aurait été stupéfiant.
Nous étions encore immobiles, éperdus d’admiration, quand nous entendîmes du bruit en bas.
Nous fûmes tous les deux saisis d’un sentiment de culpabilité auquel s’ajoutait une légère panique. Quelqu’un avait pénétré dans la caupona. Quelqu’un qui se déplaçait maintenant dans la cuisine et dont les pas se dirigeaient vers l’escalier. Quelqu’un qui regarda dans la chambre du meurtre, vit l’ouverture et poussa une exclamation. Pris au piège, nous avions cessé de contempler la statue. J’étais en train de me demander s’il valait mieux éteindre notre lampe ou la laisser allumée, quand une deuxième lumière franchit la brèche. Suivie par un bras. Le bras s’agita frénétiquement, tandis qu’une épaule épaisse restait coincée dans l’étroite ouverture. L’homme poussa un juron et je reconnus sa voix. Quelques instants plus tard, une pluie de briques s’abattit de notre côté alors qu’il forçait le passage.
Mon père nous regarda. Puis il regarda le Zeus. Et il dit, comme si je venais de découvrir un sac de pommes :
— Ah, je vois que tu l’as trouvé !
64
Ses yeux dévoraient la statue de Phidias.
Je demandai doucement :
— Qu’est-ce que tu viens faire ici ?
Laissant échapper une exclamation extasiée, il ignora
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