L'or de Poséidon
crime.
Elle avait été nettoyée et redécorée. Les murs étaient maintenant peints en rouge foncé, la couleur idéale pour masquer quelques taches de sang rebelles. Le lit se trouvait placé sous la fenêtre et non plus près de la porte. La couverture avait été remplacée. À la place du tabouret sur lequel Epimandos avait déposé le plateau et le vin destiné au soldat, lors de cette nuit fatale, il y avait un cube en bois de pin. Et un effort avait été fait dans le domaine de la décoration : un grand vase grec décoré d’une pieuvre aux tons vifs était posé sur ce cube.
Ce vase se trouvait naguère sur le bar du rez-de-chaussée. Je m’en souvenais parfaitement. J’avais toujours pensé qu’il s’agissait d’une jolie pièce. Cependant, en l’examinant de plus près, je vis que le bord était vilainement ébréché. Au point d’être irréparable. Ce que le propriétaire pouvait faire de mieux, c’était l’installer sur une haute étagère et d’admirer la pieuvre.
Je pensais comme mon père.
Je n’y pouvais rien.
Le crâne bourré de pensées moroses, je m’étendis sur le lit.
Helena, qui ne pouvait plus supporter d’être en froid avec moi, vint me rejoindre. C’était son tour, maintenant, de rester appuyée au chambranle de la porte. Je tendis la main vers elle.
— Amis ?
— Si tu veux.
Mais elle resta sur le seuil. Amis peut-être, mais elle restait furieuse à cause de ma réaction de tout à l’heure. Une chose était certaine : je n’avais pas l’intention de changer sur ce point. Même pas pour elle.
Ayant compris que le soldat était mort ici, elle fit lentement le tour de la pièce des yeux. Je la regardai en silence. Les femmes ne sont pas censées penser, mais la mienne faisait exception et j’aimais observer le processus sur son visage. Elle essayait visiblement de se représenter ce qu’avaient été les dernières minutes du soldat, face à l’attaque soudaine du serveur devenu fou furieux. Je voyais son expression se modifier au fur et à mesure. Cette chambre n’était pas un endroit pour elle. Je devais la raccompagner en bas. Mais seulement dans un petit moment, car sinon elle allait encore prendre la mouche.
Je continuais de la surveiller en guettant le moment propice, quand une pensée confuse me traversa l’esprit : « Il y a quelque chose d’étrange dans cette pièce. » Je regardai autour de moi, me demandant ce qui avait fait naître cette pensée inconsciente : les proportions sont bizarres.
Je n’avais pas besoin d’Apollonius pour me faire un dessin géométrique précis. Maintenant que je réfléchissais au problème, je voyais nettement que cette pièce était plus petite que la salle du rez-de-chaussée qu’elle surplombait. Je fis l’effort de me lever et allai me planter sur le palier. Les deux autres chambres, qui étaient si minuscules qu’on osait à peine leur donner ce nom, correspondaient à l’espace réservé à la cuisine et à l’alcôve du serveur. L’escalier occupait aussi une certaine place, mais relativement modeste. Il restait que la chambre de huit pieds carrés dans laquelle Censorinus avait trouvé la mort couvrait tout juste la moitié de la salle de restaurant.
Helena, qui avait fini par pénétrer dans la pièce et était bonne observatrice déclara :
— Il n’y a qu’une fenêtre, ici.
Dès que je revins vers elle, je compris ce qu’elle avait voulu dire. Quand Petronius et moi avions jeté des cailloux depuis la rue, il y avait deux ouvertures carrées au-dessus de nos têtes. L’une d’elles éclairait modestement cette chambre. Où se trouvait donc l’autre ?
— Il doit y avoir une chambre supplémentaire, Marcus, mais aucune porte n’y conduit.
— Elle a été condamnée.
Puis, une raison plausible me frappa comme un coup de fouet.
— Par tous les dieux, Helena, il doit y avoir quelque chose de caché ici. Peut-être un autre cadavre !
— Oh, Marcus ! Il faut toujours que tu dramatises tout. (Helena Justina était une jeune femme sensée. Chaque détective privé devrait en avoir une à son côté.) Pourquoi veux-tu qu’il y ait un cadavre ?
Pour éviter de paraître ridicule à ses yeux, je tentai de fournir rapidement une explication :
— Epimandos paraissait toujours terrorisé quand on lui posait des questions sur ces chambres. (Malgré moi, je baissai la voix comme si j’avais peur d’être entendu. Il n’y avait pourtant personne
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