L'or de Poséidon
éclatante que les étoiles d’été.
La chère était ce qu’on pouvait attendre de mieux en hiver. Les gens qui apprécient les amitiés superficielles auraient dit que le repas se déroulait dans une atmosphère amicale. En réalité, nous faisions tous assaut de tolérance, sans laisser les autres ignorer quel effort cela demandait.
Il fallait que je trouve un moyen d’y remédier. D’une façon ou d’une autre, par égard pour Helena Justina, je devais pouvoir devenir un gendre officiel : je devais trouver quatre cent mille sesterces. Et vite !
8
Petronius Longus nous rendit visite ce même soir. Nous étions sur le point d’aller au lit. Ma mère se couchait généralement de bonne heure, parce qu’à son âge elle avait besoin de récupérer des forces afin de pouvoir administrer sa famille d’une main de fer le lendemain. Elle avait cependant attendu notre retour – une coutume qui m’avait précisément poussé à aller vivre ailleurs. Après le dîner avec le sénateur, nous avions décidé de rentrer chez elle. Un peu pour la rassurer, mais surtout parce que je savais que si j’acceptais l’invitation du père d’Helena à passer la nuit sous son toit (sa mère s’était montrée beaucoup plus réservée à ce sujet), le majordome allait nous attribuer des chambres séparées, et je n’avais aucune envie de me faufiler dans l’obscurité le long de couloirs inconnus pour rejoindre ma dame. Je ne manquai cependant pas de conseiller à Helena Justina de profiter du confort de sa maison familiale, où on lui donnerait un oreiller confortable.
Elle me flanqua un coup de poing dans l’épaule.
— Voilà l’oreiller qui me convient.
Nous quittâmes donc la demeure de ses parents, ce qui rendit deux mères heureuses – enfin, aussi heureuses que les mères acceptent de se sentir.
Quand Helena et M’an virent Petro débarquer dans la cuisine, elles ne parlèrent plus d’aller se coucher. Il produisait cet effet sur les femmes. Si elles avaient su tout ce que je savais sur lui… c’est probablement moi qu’elles auraient blâmé pour les épisodes délirants de son passé. Pour une raison que je ne parvenais pas à analyser, les femmes pardonnaient tous ses écarts à Petro. Pour une autre raison que je ne parvenais pas davantage à analyser, elles ne m’en pardonnaient aucun.
Il avait lui aussi atteint la trentaine. Il arriva emmitouflé dans diverses étoffes marron informes : son discret uniforme de travail, recouvert d’une houppelande à capuchon si volumineuse qu’elle aurait pu dissimuler trois femmes de mauvaise vie et leurs canards apprivoisés. Il avait également pris la précaution de garnir ses bottes de fourrure. Glissé dans sa ceinture, il gardait à portée de main un épais gourdin. Il s’en servait parfois pour encourager les passants à garder leur calme dans les rues de la cité. Un bandeau tire-bouchonné empêchait ses cheveux raides de lui tomber dans la figure. Il était doté d’un caractère paisible – un avantage pour un homme qui essayait de maintenir l’ordre à l’échelon le plus bas de la société romaine. Il avait l’air solide, coriace et capable de bien faire son travail – ce qui était le cas. Il était aussi profondément sentimental, et sa famille passait avant tout. En somme, un type qu’on était fier d’avoir pour ami.
Je l’accueillis le visage plissé par un sourire sincère.
— Maintenant, je suis enfin sûr d’être vraiment de retour à Rome.
Petronius se laissa doucement tomber sur un banc. Il arborait une expression penaude tout à fait inhabituelle. Je me dis que c’était dû au fait qu’il transportait une amphore de vin sous un bras ! Pourtant, c’était toujours le cas quand il venait me rendre visite…
— Tu as l’air épuisé, commenta Helena.
— Exact.
Petro avait toujours été avare de mots. Je rompis la cire fermant son amphore pour lui éviter ce travail, et ma mère apporta des coupes. Il fit le service. Il versa le vin sans prêter attention à ce qu’il faisait, ce qui était également très surprenant. Puis, prenant à peine le temps de trinquer avec moi, il vida sa coupe d’un trait. Il n’était visiblement pas dans son état normal.
— Des problèmes ? demandai-je.
— Comme toujours !
Ma mère s’empressa de lui remplir sa coupe, puis apporta du pain et des olives. Elle aimait le dorloter. Petro était un autre de mes amis qu’on considérait comme trop bien
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