L'or de Poséidon
ne faisait aucun doute. La petite fille était ravissante, et mon frère un grand sentimental.)
Perdre mon frère était assez pénible, mais ce même soir, j’appris que Marina avait raconté publiquement notre brève aventure. Elle avait notamment déclaré que je devais maintenant prendre soin d’elle, car elle était persuadée que j’étais le père de la petite Marcia.
En apprenant cette révélation, ma famille réagit à sa façon habituelle : personne ne mit la parole de Marina en doute. Tout le monde s’était aperçu que je m’étais beaucoup intéressé au nouveau bébé, et il ne fallait pas oublier que lors de son dernier séjour, Festus était un homme blessé.
— Il était blessé dans cette région ? demanda ingénument Helena.
J’avais pu constater qu’elle écoutait mon récit avec un air quelque peu ahuri, certes, mais non dépourvu d’une certaine sympathie à mon égard.
— Pas vraiment, répondis-je posément. Festus s’était planté son poignard dans le pied.
— Ah ! j’oublie toujours que les gens manquent de logique. Que s’est-il passé ensuite ?
— Que crois-tu ? J’ai été noyé sous un torrent d’invectives et on m’a ordonné d’épouser la fille.
Helena Justina paraissait de plus en plus ébaubie. Je crois qu’elle venait de comprendre que je lui avais dissimulé un premier mariage.
À vrai dire, il s’en était fallu de peu. Sous l’influence d’un sentiment de culpabilité, exacerbé par une trop grande absorption de vin, je m’étais entendu accepter. Heureusement Marina, qui possédait un fort instinct de conservation, avait compté les vies que nous allions gâcher en nous mariant. Alors, paniquée, elle se hâta de rétablir Festus comme père officiel de son enfant, avant de battre en retraite. Ce qui me valut de nouvelles récriminations familiales. Le moindre de deux maux.
Et c’est ce qui nous a amenés à la situation présente.
— C’est quoi, la situation présente ? ricana Helena.
— À toi de juger.
— Je trouve que c’est infect.
— Exact.
Évidemment, en mémoire de mon frère, je ne pouvais pas faire moins que de subvenir aux besoins de l’enfant. Et je me suis également senti responsable de la mère. Quelle terrible chose que la conscience ! Marina possédait une espèce de pouvoir sur moi que je me sentais incapable de briser. Elle n’aurait eu aucun mal à se trouver un mari, mais pourquoi se mettre la corde au cou quand elle pouvait s’amuser tout son soûl en me laissant régler les factures ? Sans compter que cette situation abracadabrante donnait l’occasion à presque tous les membres de ma famille de m’abreuver de commentaires désobligeants. Leur spécialité.
Il n’y en eut aucun de la part d’Helena. Elle paraissait bouleversée, pas indignée. Franchement, j’aurais préféré la voir briser quelques pichets. Je me sens toujours misérable quand on fait preuve d’indulgence envers moi.
Incapable de supporter cette tension plus longtemps, je bondis sur mes pieds et me mis à faire les cent pas. Helena avait appuyé ses coudes sur la table de la cuisine et se tenait la tête entre les mains. À la fin, n’y pouvant plus tenir, je m’approchai d’elle par-derrière et posai les mains sur ses épaules.
— Helena, ne juge pas le présent à la lumière d’événements passés. Je suis sûr que tu as compris le bouleversement qui s’est opéré en moi quand je t’ai rencontrée.
Elle n’eut aucune réaction en sentant mes mains sur ses épaules et ne me répondit rien.
De plus en plus troublé, je n’eus d’autre choix que de m’éloigner d’elle. Helena se leva alors et, après s’être brièvement étirée, elle quitta la pièce. De toute évidence, elle allait se coucher. Je n’avais pas été invité à la suivre, ce qui ne m’empêcha pas de le faire.
Nous restâmes étendus dans le noir sans parler pendant ce qui me parut une éternité. Je crois avoir perdu connaissance, car j’eus soudain l’impression de me réveiller. Toujours aussi malheureux. Ma compagne de lit restait parfaitement immobile. Je posai une main sur son bras. Elle l’ignora. Vexé, je lui tournai le dos.
Après un bref instant, Helena bougea à son tour. Elle se glissa contre moi, pressa ses genoux dans le creux des miens et son visage contre mon dos. J’attendis un moment suffisant pour satisfaire mon orgueil, mais pas assez longtemps pour lui donner envie de s’éloigner de nouveau.
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