L'or de Poséidon
sur son poignet de telle façon, qu’au moindre mouvement il allait se couper.
— Arrête de te payer ma tête, Varga. Je sais que tu as rencontré Festus, et je sais qu’il y a un rapport avec ce qui arrive aujourd’hui. N’essaye pas de jouer au plus malin, ou je te coupe la main dont tu te sers pour peindre !
Varga devint d’une pâleur mortelle. Il était trop ivre pour résister et manquait d’ailleurs d’entraînement. Presque incapable de respirer, il m’adressa un regard terrorisé. Je commençais à me sentir tellement frustré par le peu de succès que je rencontrais dans mon enquête, que je pensais presque ce que je venais de dire. Je me faisais peur à moi-même, et le peintre en était conscient. Un vague gargouillement sortit de sa gorge.
— Articule, Varga ! Ne sois pas aussi timide !
— Je n’arrive pas à me rappeler avoir rencontré ton frère.
— Moi, je me rappelle que tu l’as rencontré, déclarai-je froidement. Et je ne faisais même pas partie du complot !
Son compagnon se tortilla nerveusement. Je me dis qu’on allait enfin arriver quelque part.
— On ne faisait partie d’aucun complot ! éclata Manilus toujours vautré sur son lit. C’est ce que j’ai dit à ce soldat quand il est venu !
39
— J’étais pas du tout au courant, plaida Varga.
J’appuyai le poignard plus fort contre son poignet pour qu’il sente bien la pression de la lame contre sa peau. En réalité, je l’avais posée à l’envers pour ne pas le couper.
— Fais bien attention à ce que tu dis. Tu es complètement soûl, et moi j’ai trop bu. Un faux mouvement ou une parole irréfléchie, et tu ne peindras plus jamais un autre téton. Je t’écoute, dis-je, en m’adressant cette fois à Manilus.
— Vas-y, parle, le pressa Varga. Comme ça je serai au courant moi aussi !
— Tu n’étais pas ici, expliqua son ami. (Soudain, son souci principal semblait être de convaincre son compère de sa bonne foi.) C’était un jour où tu prenais les mensurations de Rubinia…
— Oublie la grivoiserie ! aboyai-je. Que s’est-il passé avec Censorinus ?
— Laurentius, me reprit Manilus.
— Qui ?
— Il m’a dit qu’il s’appelait Laurentius.
Je relâchai Varga et m’assis sur mes talons, mais en continuant de brandir mon poignard pour qu’ils le voient bien tous les deux.
— Tu en es certain ? Le centurion qui s’est fait assassiner s’appelait Censorinus Macer.
— Moi j’ai parlé à un Laurentius.
Si un copain de Censorinus était venu à Rome avec lui, c’était plutôt une bonne nouvelle. À mon avis, il ferait un deuxième suspect très acceptable. Les querelles sont fréquentes entre copains – surtout quand il s’agit de soldats ! Ils vont boire ensemble dans une taverne, et une dispute éclate à propos d’argent, de femmes, de politique, de philosophie, ou simplement de la date de départ de leur bateau. « C’est mardi ! » « Non, c’est jeudi ! » Et on sort les couteaux… J’essayais du moins de m’en convaincre en me rappelant la violence des coups portés au centurion.
— Alors parle-moi de ce Laurentius. Il est venu quand ? Quels étaient son rang et sa légion ?
— Ça fait déjà un moment…
— Des semaines ? Des mois ?
— Je dirais un mois ou deux… (La précision n’était pas son fort.) Et pour le reste j’en ai pas la moindre idée.
— Oh, tu te moques de moi ! Tu es peintre, pas vrai ? Et un peintre, ça remarque les détails. Il avait un bâton de commandement ?
— Oui.
— Donc il était centurion. Ça devait être un ami de Festus. Il ne l’a pas mentionné ? (Manilus acquiesça d’un signe de tête.) Bien. Maintenant, respire un bon coup et dis-moi ce qu’il voulait. (Sous la longue frange emmêlée du peintre, je ne parvenais pas à déceler le moindre éclair de pensée rationnelle. Je poursuivis donc en détachant bien les syllabes :) Est-ce qu’il t’a posé des questions sur l’ Hypericon, par exemple ? Ou sur le Phidias ?
Manilus se mit à sourire bêtement, mais je ne lui accordais pas la moindre confiance. Cependant, ce qu’il me dit ensuite me parut être la vérité :
— Je ne sais pas de quoi tu parles, Falco. Le soldat m’a posé des questions sur quelqu’un. Et je m’en souviens, parce que c’était la personne que recherchait Festus ce soir-là, à La Vierge.
— C’est qui ?
— Oronte Mediolanus.
— Le sculpteur, précisa
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