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L'Orient à feu et à sang

L'Orient à feu et à sang

Titel: L'Orient à feu et à sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Harry Sidebottom
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provinciale. Il n’y pas un Perse de ce côté-ci de l’Euphrate. Quant aux bandits, jamais ils ne se risqueraient à attaquer une troupe aussi nombreuse.
    — Il faut nous habituer à être sur le pied de guerre. Donne l’ordre.
    Turpio s’exécuta et deux cavaliers disparurent au petit trot dans le brouillard. Ballista ordonna alors à la colonne de se mettre en marche. Leur long périple jusqu’aux royaumes satellites d’Émèse et de Palmyre, puis jusqu’à la ville d’Arété, cet avant-poste isolé aux confins de l’ imperium romanum, pouvait commencer.
    — Il y a seulement trois ans, les Perses occupaient cette région en nombre, dit-il.
    — Oui, Dominus.
    Malgré l’attitude plus déférente du centurion, Ballista décida d’avancer à pas comptés.
    — Depuis combien de temps as-tu rejoint la Cohors XX ?
    — Deux ans.
    — Que penses-tu de la troupe ?
    — Ce sont de bons soldats.
    — Scribonius Mucianus commandait-il déjà la cohorte lorsque tu es arrivé ?
    — Oui.
    De nouveau, à la mention du nom du tribun absent, Turpio fut sur ses gardes, son attitude semblable à celle d’un animal traqué.
    — Comment le trouves-tu ?
    — C’est mon officier de commandement. Il ne m’appartient pas de discuter de lui avec vous. Non plus qu’il ne m’appartiendrait de discuter de vous avec le gouverneur de Syrie.
    Ballista ignora la menace à peine voilée.
    — As-tu combattu les Sassanides ?
    — J’étais à Barbalissos [42] .
    Ballista encouragea Turpio à raconter la terrible défaite de l’armée romaine de Syrie, la défaite qui entraîna le sac d’Antioche, de Séleucie et de tant d’autres villes, ainsi que la misère qui s’abattit sur le pays pendant l’époque troublée qui s’ensuivit, tout juste trois ans auparavant. L’attaque conjuguée de hordes d’archers sassanides à cheval avaient enfermé les Romains dans un cruel dilemme : s’ils ouvraient les rangs pour disperser les archers, ils étaient exterminés par la cavalerie lourde, les clibanarii, des cavaliers en armure montés sur des chevaux caparaçonnés. Si au contraire ils serraient les rangs pour repousser les clibanarii, ils devenaient une cible facile pour les archers. Après des heures passées sous un soleil de plomb, tourmentés par la crainte de voir tomber la ville de Barbalissos qu’ils voyaient toute proche, tourmentés aussi par une soif qu’exacerbaient les eaux scintillantes de l’Euphrate, elles aussi visibles non loin, les soldats romains finirent par céder à la panique. Ce fut la débandade et l’inévitable massacre.
    Même si Ballista n’apprit rien qu’il ne sût déjà sur cette bataille, il eut la nette impression que Turpio était un officier compétent – pourquoi alors cette turme de la Cohors XX lui semblait-elle si misérablement empruntée ?
    — Quels étaient les effectifs perses ?
    Turpio réfléchit longuement.
    — Difficile à dire. Il y avait tellement de poussière, de confusion ! Probablement moins d’hommes qu’on ne le croit généralement. Les archers à cheval se déplaçaient sans arrêt, ce qui les faisait apparaître plus nombreux qu’ils n’étaient en réalité. Dix à quinze mille hommes en tout, selon moi.
    — Et la proportion d’archers montés par rapport aux clibanarii ?
    Turpio se tourna vers Ballista.
    — Encore une fois, difficile de l’estimer avec précision. Beaucoup plus de cavalerie légère que de lourde. Quelque part entre un pour cinq et un pour dix. De nombreux clibanarii ont des arcs, ce qui complique les choses.
    — La cavalerie était la seule force engagée ?
    — Non. La cavalerie est constituée de nobles, les troupes d’élite des Sassanides, mais ils ont aussi une infanterie – les frondeurs et archers à pied mercenaires sont les plus efficaces ; le reste est constitué par des lanciers recrutés parmi les paysans.
    Le brouillard se levait. Ballista voyait maintenant clairement le visage de Turpio. Il semblait moins sur la défensive.
    — Et leurs techniques de siège ?
    — Les mêmes que les nôtres : galeries de sape, béliers, tours, machines de jet. On dit qu’ils ont appris à notre contact ; peut-être lorsque le vieux roi Ardashir prit la ville de Hatra [43] , il y a une quinzaine d’années.
    Ils progressaient sur l’un des versants du mont Silpius. Sur les arbres qui bordaient la route, des feuilles mortes noires étaient restées accrochées. Les rubans de brouillard

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