L'Orient à feu et à sang
chargeaient de rappeler à Maximus qu’il ne serait jamais officier, en dépit de ses dispositions naturelles pour le combat. L’ennui en était la cause, le simple, l’assommant, le fichu ennui inhérent à la fonction. Les deux derniers jours avaient été assez pénibles comme ça. Regarder les tirs d’artillerie n’avait pas été trop fastidieux, un peu répétitif peut-être. C’était sans aucun doute plus amusant lorsque quelqu’un se trouvait à l’autre bout. Mais les regarder fabriquer les projectiles s’était avéré proprement insupportable. Quant aux murs, si vous avez vu un gros mur, vous les avez tous vus. Et pourtant, tout cela n’était rien comparé à ce qui s’était passé le matin même.
Comme tout bon commandant romain que quelque chose tracassait mais qui se devait de le faire, Ballista avait convoqué son consilium, son conseil. Il n’était composé que de Mamurra, Acilius Glabrio et Turpio, et n’avait comme public que Demetrius et Maximus. Conformément à l’antique vertu romaine, ils s’étaient réunis très tôt le matin, à la première heure du jour. Et depuis lors, ils avaient parlé de la taille de la population d’Arété. En long, en large et en travers. Au dernier recensement, quarante mille hommes, femmes et enfants habitaient à Arété, et parmi eux, dix mille esclaves. Mais ces chiffres étaient-ils fiables ? Le recensement avait eu lieu avant que les Sassanides prissent la ville et depuis, beaucoup d’habitants avaient certainement péri ou s’étaient enfuis. Certains étaient probablement revenus et, avec l’invasion prévue pour le printemps prochain, beaucoup accourraient des villages. Peut-être que cela s’équilibrait.
Maximus était déjà prêt à se jeter dans l’Euphrate, lorsque Ballista annonça qu’ils allaient devoir considérer que les chiffres étaient justes et s’en servir de base de calcul.
— Maintenant, la vraie question : comment allons-nous nourrir tout le monde de mars à novembre, lorsque nous serons assiégés ? Commençons par les réserves en nourriture à notre disposition.
Ballista se tourna vers Acilius Glabrio.
— Legio IIII a emmagasiné assez de grain et d’huile pour permettre à ses mille hommes de tenir douze mois.
Le jeune aristocrate se garda bien de paraître satisfait. Ce n’était pas la peine.
— Les choses sont loin de se présenter aussi bien pour la Cohors XX et son petit millier d’hommes, dit Turpio avec un sourire ironique. Nous avons pour trois mois de provisions sèches et pour seulement deux mois de provisions liquides.
Ballista se tourna vers Demetrius qui avait les yeux dans le vague et l’esprit ailleurs.
— Demetrius, donne-nous les chiffres pour les réserves municipales et celles des trois protecteurs de caravanes.
— Désolé, Kyrios. (Dans sa confusion, le jeune homme s’était mis à parler en grec, avant de se reprendre et de continuer en latin.) Pardon, Dominus. (Il consulta ses notes.) Les protecteurs de caravanes disent tous la même chose : ils ont assez de vivres pour leur entourage, y compris leurs mercenaires, pour tenir douze mois. Incidemment, ils disent tous trois avoir environ trois cents mercenaires à leur solde. Il y a assez de grain, d’huile et de vin dans les réserves municipales pour permettre à toute la population de tenir deux mois.
— Il faut bien sûr nous assurer que toutes nos troupes sont approvisionnées. Et bien qu’en dernier ressort, il incombe aux civils de s’occuper de leurs propres provisions, je pense que nous devrions leur fournir une demi-ration pendant toute la durée du siège, dit Ballista.
Devançant l’objection d’Acilius Glabrio, il continua :
— Aucune loi ne nous oblige à les nourrir, mais nous aurons besoin de combattants volontaires et nous enrôlerons les autres pour former des équipes de travail. Des hommes affamés et désespérés sont susceptibles de trahir et d’ouvrir les portes. Et puis, bien sûr, il y a des raisons purement humanitaires.
— Ne pourrions-nous pas faire acheminer des provisions par bateau ? demanda Mamurra.
— Bonne idée. Oui, nous devrions essayer cela. Mais il nous faut nous en remettre à d’autres et espérer que les Perses ne disposent pas de bateaux ni n’assiègent les villages en amont qui nous feraient parvenir les vivres. Il vaudrait mieux que notre destin soit entre nos propres mains.
Tout le monde acquiesça.
— Quoi qu’il en soit, nous
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