L'Orient à feu et à sang
rechange des balistes – les cliquets, les rondelles, ce genre de choses – sont enterrées là-dessous.
Il passa sa main sur son visage, le geste d’un homme fatigué.
— Par contre, tous les boulets de pierre pour les balistes étaient entreposés dehors, ils n’ont donc pas été endommagés. Je vais faire accrocher des cordes pour essayer d’abattre quelques murs. On pourra peut-être sauver certaines pièces métalliques, les pointes de fer des traits d’artillerie – tout dépend de la chaleur dégagée par le feu.
Mamurra marqua une pause, but une longue gorgée d’eau et en renversa un peu sur son menton. La suie déteignit, laissant sur son visage d’étranges rayures noirâtres.
— Quoi qu’il en soit, cela n’a pas été le désastre total que quelqu’un escomptait.
— Tu es sûr que c’était un incendie volontaire ?
— Venez avec moi.
Mamurra les conduisit à l’extrémité nord-est du bâtiment.
— Ne vous approchez pas trop des murs, ils peuvent tomber à tout moment. Sentez cette odeur.
Ballista s’exécuta et eut un haut-le-cœur. Il revit dans son esprit le poteau tourner doucement, l’amphore qui commençait à se renverser, il se souvint des hurlements et d’une autre odeur – celle de la chair brûlée.
— Du naphte.
— Oui, une fois qu’on l’a senti, on n’oublie jamais. Encore moins si on a pu le voir en action.
Mamurra montra un petit orifice d’aération noirci en haut du mur.
— Ils ont dû le verser par là. Et ensuite, ils ont jeté une lampe.
Ballista regarda autour de lui, essayant d’imaginer la scène : dernière heure du jour, personne en vue. Un homme ou deux ? Et avait-il essayé de s’enfuir ou de se mêler à la foule ?
— Il y a des témoins. Deux.
Mamurra désigna deux hommes maussades assis par terre, gardés par deux légionnaires.
— Ils ont tous les deux vues un homme en train de s’enfuir dans la rue des fabricants de faucilles.
— Ils en ont donné un bon signalement ?
Mamurra rit.
— Ah ça, oui ! Deux excellents signalements même : l’un a vu un homme de petite taille aux cheveux noirs portant une cape de bure, et l’autre, un homme grand, sans cape et chauve comme un œuf.
Les deux hommes semblaient apeurés et amers. L’un d’entre eux arborait un hématome à l’œil. Ballista était bien conscient de l’antipathie mutuelle entre soldats romains et civils, mais ne manqua pas d’être surpris par la stupidité des troupes. Ces deux hommes s’étaient présentés de leur plein gré pour fournir des informations. Sur la base du concept spécieux de culpabilité par association, ils avaient été intimidés, peut-être même frappés. Il n’y avait aucune chance qu’ils apportassent leur aide à l’avenir.
Après avoir demandé à Maximus d’aller lui chercher de l’eau fraîche, Ballista s’adressa aux civils avec bienveillance. Leurs témoignages concordaient avec ce qu’avait dit Mamurra. Il était bien possible qu’ils eussent vu deux hommes différents. Mais il était tout aussi probable qu’ils eussent des souvenirs différents de la même chose. Des incertitudes subsistaient quant à l’heure exacte des événements. Aucun d’eux n’avait reconnu l’homme.
L’interrogatoire ne menait nulle part. Ballista les remercia et demanda à Demetrius de leur donner deux ou trois antoniniani chacun.
Ballista retourna voir Mamurra.
— Bon, voilà ce qui va se passer. (Il parlait vite, avec assurance.) Mamurra, occupe-toi de démanteler ce bâtiment et d’en faire reconstruire un autre à peu près deux fois plus grand, avec un mur d’enceinte et beaucoup de gardes autour. Rien de tel que de refermer la porte de l’écurie après que le cheval s’est enfui ! Tu vas aussi créer et commander une unité indépendante de balistaires. Les vingt-quatre balistaires spécialisés de la Legio IIII seront transférés dans cette unité en même temps que quatre-vingt-seize légionnaires. Chaque balistaire devra former quatre légionnaires. Je veux que cette unité de cent vingt balistaires soit opérationnelle au printemps prochain.
Mamurra s’apprêtait à dire quelque chose mais Ballista le coupa.
— Je veux aussi qu’à cette date, tes hommes aient construit, testé et mis en place vingt-et-un autre scorpions – il y a la place pour deux scorpions sur chacune des tours, mais elles n’en ont qu’un seul actuellement. Tu peux réquisitionner tous les travailleurs
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