L'Orient à feu et à sang
à lire.
Le magasin d’artillerie a brûlé. Tous les traits pour les scorpions sont détruits. Le Barbare du nord fait des réserves de vivres en vue du siège. Lorsqu’il en aura rassemblé assez, on y mettra le feu. Il reste assez de naphte pour une autre attaque qui marquera les esprits. Il a annoncé que la nécropole serait rasée, de nombreux temples et maisons détruits et que ses troupes seraient cantonnées dans ceux qui restent. Il libère les esclaves et réduit en esclavage les hommes libres. Ses hommes dénudent et violent les femmes à volonté. Les habitants de la ville grondent contre lui. Il les a enrôlés dans des unités de l’armée placées sous le commandement des protecteurs de caravanes. L’idiot s’est maintenant fait aveugle. Il se livrera pieds et poings liés au Roi des Rois.
Il cessa de suivre les lignes de son doigt et de former les mots avec ses lèvres. Cela irait. La rhétorique était peut être un peu poussée, mais décourager les Perses ne faisait pas partie de son plan.
Il ramassa deux flacons d’huile, l’un plein, l’autre vide, et les posa sur la table. Il dénoua le bout de la vessie de porc et la dégonfla ; ce qu’il y avait écrit était maintenant illisible. Après avoir retiré le bouchon du flacon vide, il y introduisit la vessie en laissant le bout dépasser. Puis, il le porta à ses lèvres et, louant le ciel de n’être pas juif, regonfla la vessie de porc avant d’en replier le bout autour du col du flacon et de le maintenir en place avec de la ficelle. Une fois qu’il eut coupé ce qui dépassait à l’aide d’un couteau tranchant, la vessie était entièrement dissimulée à l’intérieur du flacon, un récipient caché dans un autre récipient. Avec précaution, il y versa l’huile du flacon plein. Tandis qu’il rebouchait les deux flacons, il parcourut à nouveau la pièce du regard pour vérifier qu’il était toujours seul.
Il regardait le flacon dans sa main. Ils avaient intensifié les fouilles aux portes de la ville. Il leur arrivait de découdre les tuniques des hommes ou les semelles de leurs sandales ; ils arrachaient parfois les voiles de respectables femmes grecques. L’espace d’un instant, il se sentit étourdi, grisé par les risques qu’il prenait. Puis il se ressaisit. Il acceptait le fait que sa mission pourrait bien lui coûter la vie. Cela n’avait pas d’importance. Son peuple en récolterait les fruits. Sa récompense l’attendrait dans l’autre monde.
Dans la file d’attente aux portes, le messager ne saurait rien. Le flacon n’éveillerait pas les soupçons.
L’homme prit son stylet et commença à écrire la plus innocente des lettres.
Mon cher frère, les pluies sont revenues…
Depuis les colonnades devant sa demeure, Anamu considérait la pluie avec désapprobation. Il y avait de la boue à hauteur de cheville dans les rues. Les pluies l’avaient contraint à engager des dépenses : il lui avait fallu louer une litière et les services de quatre porteurs afin de se rendre au dîner que le Dux donnait en son palais. Anamu ne goûtait guère les dépenses inutiles et, pour ne rien arranger, les porteurs étaient en retard. Il tenta de refouler son irritation en se remémorant un fragment de l’un des vieux maîtres stoïques. « Ces quatre murs ne forment pas une prison. » Anamu n’était pas sûr de s’en souvenir mot pour mot. « Ces murs de pierre ne font pas une prison. » Qui en était l’auteur ? Musonius Rufus, le Socrate romain ? Non, plutôt l’esclave affranchi Épictète. Mais peut-être n’était-ce pas un stoïque après tout – peut-être était-ce lui qui l’avait écrit ?
Ragaillardi par son fantasme secret d’être cité par des hommes totalement inconnus de lui qui, dans l’adversité, puiseraient réconfort et force dans ses morceaux de sagesse, Anamu contemplait le spectacle de la pluie. Les murs de pierre de la ville étaient assombris par l’eau qui y ruisselait. Les remparts étaient vides ; les gardes avaient dû s’abriter dans l’une des tours. Le moment idéal pour une attaque surprise, sauf que les pluies devaient avoir transformé en bourbier le terrain devant la muraille.
Les porteurs de litière étant finalement arrivés, Anamu s’y installa et ils se mirent en route. Il connaissait l’identité des autres convives. Peu de choses se passaient dans la ville d’Arété dont Anamu n’eût pas vent rapidement. Il payait bien – du bon argent
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