Louis Napoléon le Grand
les conversations des personnes assises sur les bancs de l'hôtel situé en face [hôtel Baumont].
« La soirée se passe soit à recevoir chez lui quelques personnes, soit à assister, au salon public, à une pièce de théâtre, à un concert ou à un bal. »
Les relations avec les autres curistes sont simples et détendues. Kastener rapporte encore que : « Chaque jour il allait se promener au parc dont il était le créateur; il aimait à se reposer dans le kiosque rustique aux verres de couleur que lui avait fait édifier la Compagnie des Thermes. Un jour, survint un orage, les baigneurs surpris ne savaient où se réfugier, ce que voyant, Napoléon leur offrit l'hospitalité dans son pavillon et se montra un hôte charmant. Du reste, il était, avec les grands comme avec les petits, d'une politesse exquise, répondant d'une manière fort gracieuse à tous les saluts. »
La cure terminée, on se retrouve fort ponctuellement à Paris pour la fête nationale, le 15 août, jour anniversaire de la naissance de Napoléon I er . A partir de 1856, Louis Napoléon prendra souvent ensuite la direction de Biarritz où il retrouve Eugénie, nourrissant l'intention de s'y établir un jour et d'en faire, avec Pau, le lieu de leur retraite.
Après quoi, Louis Napoléon rentre à Saint-Cloud d'où — sauf accident — il gagne Compiègne pour y fêter la Sainte-Eugénie. De là, on organise aussi des incursions à Pierrefonds. Compiègne marque le début de la saison de la chasse, dont Louis Napoléon est un passionné: il y a d'ailleurs relancé la chasse à courre.
Le retour aux Tuileries coïncide, mi-décembre, avec l'ouverture de la session législative... Entre-temps, à Compiègne, on a beaucoup reçu. Louis Napoléon et l'impératrice invitent vedettes et personnalités, regroupées par spécialités et amenées par trains spéciaux... Ces séries hebdomadaires, qui ont beaucoup fait sourire, se succèdent pendant tout un mois. Les listes sont établies par les ministères: tout ce qui compte dans le pays, ou à peu près, y défile laborieusement, en rangs serrés.
Mais il s'agit de rencontres officielles.
On a souvent fait grief à Louis Napoléon de ne s'être pas reconnu une vocation de protecteur des arts et des lettres. Et de n'avoir accordé qu'un intérêt limité à la création culturelle. Ne s'est-on pas trompé de cible? C'est l'époque qui mérite les reproches, non celui qui l'incarna. Louis Napoléon partageait les goûts dominants de son temps, et rien de plus. Le boulevard,l'opérette et l'académisme l'emportaient alors sur l'avant-garde, dans quelque domaine que ce fût. Le public apprécie davantage Offenbach, Dumas fils et Gautier que Berlioz, Wagner et Baudelaire... qu'y faire? Horace Vernet, Meissonier, Rosa Bonheur, émergent ainsi parmi les artistes préférés de Louis Napoléon. Et si, en dehors d'Octave Feuillet, lui-même bien en cour, Prosper Mérimée fit partie de l'entourage immédiat, il le dut davantage à sa qualité de vieil ami de l'impératrice qu'à l'originalité de son talent.
Il faut néanmoins se garder de trop noircir le tableau. D'abord, on l'a dit, parce que Mathilde tint parfaitement le rôle que ne pouvait assumer le couple impérial; Louis Napoléon s'affranchit donc d'autant plus aisément de certaines de ses obligations qu'un partage des rôles avait été au préalable établi.
Ensuite parce qu'on aurait tout à fait tort de considérer Louis Napoléon comme une sorte de béotien, insensible aux grands mouvements de son temps. Parmi d'autres, Pasteur et Fustel de Coulanges eurent accès à son intimité. On interpréta devant lui Meyerbeer et Gounod. De même, il aida Renan, à ses débuts, appuya Viollet-le-Duc pour la restauration du château de Pierrefonds et pour le lancement de la première politique de sauvegarde du patrimoine. Sainte-Beuve fut assez considéré pour être fait sénateur — il est vrai qu'avec Gautier, About et bien d'autres il ne dédaignait pas de prêter sa plume au très officiel Moniteur. En 1863, quand les toiles de plusieurs futurs impressionnistes furent boycottées par les organisateurs du Salon, c'est encore Louis Napoléon qui permit aux « réprouvés » et aux « refusés » d'exposer leurs oeuvres; et cela non sans quelque mérite, car le siècle semblait n'éprouver aucune indulgence pour ce qu'il considérait comme un genre de facétie ; le second Empire — mais son chef en fut-il vraiment ému? — restera ainsi
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