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Louis Napoléon le Grand

Louis Napoléon le Grand

Titel: Louis Napoléon le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Séguin
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France de sa politique, mais la perspective de gains territoriaux restait à ses yeux secondaire par rapport à l'objectif majeur des nationalités.
    A ces trois principes, faut-il en ajouter un quatrième, commele font tant d'historiens, qui correspondrait au besoin de rechercher sans cesse à l'extérieur les moyens d'affermir le régime? Besoin qui se concilierait aisément avec un autre, celui de la gloire personnelle. Bien des indices invitent à pencher pour une réponse négative.
    Certes, Louis Napoléon, dès son accession à la présidence, a revêtu l'uniforme de général. Sa présence sur les grands champs de bataille apparaît à ses yeux comme une nécessité politique et symbolique. Et si, à regret, il devra s'abstenir de paraître en Crimée, il sera présent en Italie, et lors de l'empoignade finale avec la Prusse. Mais, sans être un chef aussi médiocre qu'on l'a prétendu, il connaît assez la chose militaire pour avoir conscience de ses limites dans ce domaine. Il n'est ni un génial stratège ni un vrai conquérant; il cherchera d'autant moins à en donner l'illusion qu'il sait que, sur ce chapitre, il ne pourra jamais rivaliser avec le souvenir de son oncle.
    A-t-il aussi conscience que l'outil dont il dispose n'est pas à la mesure de celui dont Napoléon I er fit l'instrument de sa gloire? C'est plus que probable. Sans doute, notre armée a réussi jusqu'ici à dissimuler ses graves insuffisances et, à chaque conflit important, des succès, pourtant incertains, font oublier les énormes difficultés qu'elle a rencontrées. Mais le fait est là. L'armée française est alors une très belle armée; ce n'est pas une très bonne armée.
    Le soldat français est brave, habile, endurant. Nos troupes, en particulier nos troupes coloniales, sont aptes aux coups de main, aux opérations de commandos. Elles vont ainsi faire merveille en Algérie, en Cochinchine, en Chine et même, souvent, au Mexique. Peut-être, d'ailleurs, y prennent-elles de mauvaises habitudes. Car autant se manifestent leurs qualités et leur efficacité dans les phases tactiques, autant paraissent-elles empruntées dès qu'il s'agit de concevoir et de manoeuvrer à plus grande échelle. On n'a pas intégré dans les conceptions stratégiques les données nouvelles qu'impliquent les progrès techniques : l'évolution des armes, l'importance de la logistique, la rapidité des transmissions. Aucun chef militaire ne va se montrer apte à imaginer et à conduire une rénovation pourtant nécessaire de l'art de la guerre. On se bat comme sous le premier Empire malgré un armement autrement plus meurtrier: on charge à la baïonnette, par gros bataillons, on forme le carré pour se protéger de la cavalerie qui s'élance elle-même en rangs serrés... Il y a pire: lesofficiers supérieurs ont une mentalité de seigneurs de la guerre : il ne faut surtout pas qu'un concurrent leur vole le succès; pour éviter cela, ils sont prêts à tout compromettre...
    La victoire de Crimée fera malheureusement oublier les récriminations que, devant l'ampleur du désordre et de la désorganisation de notre armée, exprime un Saint-Arnaud : « On ne fait pas la guerre sans pain, sans souliers, sans marmites, sans bidons. Anathème sur les ânes bâtés, sur les cuistres enchiffrés, sans prévoyance et sans politique militaire qui ont jeté à huit cents lieues de la France, avec la moitié à peine des moyens et des ressources nécessaires en personnel et en matériel, une armée de soixante-dix mille hommes! »
    De même, une fois le succès assuré en Italie, nul ne se souciera plus des constats accablants faits par Louis Napoléon lui-même au début des hostilités. En 1870, à la veille d'affronter les Prussiens, les leçons des conflits antérieurs n'auront pas été tirées.
    La Grande Armée n'est qu'un lointain souvenir... Depuis quarante ans, la France ne s'est plus battue sur les grands théâtres d'opérations extérieurs et cela se sent. D'ailleurs, et c'est une autre donnée fondamentale, il est clair que Louis Napoléon n'aime pas la guerre. Autant certaines opérations de police outre-mer, courtes et peu coûteuses en hommes, ne le rebutent pas, autant il répugne à provoquer des conflits qui s'éternisent. Sa sensibilité ne peut s'accommoder de l'idée des souffrances endurées, ni a fortiori de leur spectacle.
    Comment ne pas le croire quand, s'exprimant à l'occasion de la clôture de l'Exposition universelle de 1855, il

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