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Louis Napoléon le Grand

Louis Napoléon le Grand

Titel: Louis Napoléon le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Séguin
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délégation de quatre cents industriels « monte » à Paris, demandant à voir l'empereur. Celui-ci refuse l'audience et résiste à toutes les pressions. Bien lui en prend. Schneider, le grand patron métallurgiste du Creusot, qui n'a pas été le dernier à protester, va reconnaître dès 1864 que Louis Napoléon « a eu raison de devancer l'opinion publique de quelques années. Nos industriels ont pu, par leurs efforts et leurs sacrifices, résister à la concurrence étrangère ».
    En avril 1878, Léon Say, ministre de la République, reconnaîtra à son tour le mérite de Louis Napoléon. Son jugement mérite l'attention car son auteur n'est pas suspect de complaisance : « La politique commerciale inaugurée en 1860 et qui a été si féconde en heureux résultats nous a fait un bien dont nous jouissons comme on jouit de la santé, pour ainsi dire sans nous en apercevoir. »
    En tout cas, l'Angleterre est satisfaite. Elle sera loin, cependant, de répondre aux espérances de Louis Napoléon. Sans doute est-il trop tôt encore... Elle fait quelques difficultés au moment de l'intervention française en Syrie; lors du rattachement de Nice et de la Savoie, elle appuie la Suisse quand celle-ci demande l'annexion du nord de la province, ce qui conduisit du moins à créer une zone franche douanière; elle joue un jeu ambigu en Italie; elle lâchera prise au Mexique.
    Sans doute, tant de dynamisme et d'esprit d'initiative de la part de la France l'inquiète quelque peu. Elle craint probablement pour la Belgique, et n'apprécie que modérément l'expansion coloniale d'une aussi turbulente voisine. Au moment fatidique, elle ne sera pas là.
    Mais du moins, si des ombres subsistent et si des orages surviennent parfois encore, tout conflit majeur sera évité. Deux grandes nations auront, grâce à Louis Napoléon, commencé à apprendre à vivre et à agir ensemble.
    La République n'aura, plus tard, qu'à emprunter la route qu'il a ouverte. Lorsque l'Entente cordiale sera enfin consacrée après la dernière crise d'hystérie de Fachoda, comment nier qu'elle aura été très largement son oeuvre?
    ***
    La volonté de s'assurer l'alliance anglaise, de la conforter et de la faire vivre est probablement l'un des motifs de la décision prise par Louis Napoléon de s'engager aux côtés des Anglais, dans la guerre de Crimée, contre les Russes. Décision paradoxale: Louis Napoléon, jeune homme, n'avait-il pas songé à s'engager dans les troupes russes contre les Turcs? Le voici allié du sultan contre le tsar.
    Guerre inattendue mais importante: il s'agit du premier conflit européen depuis 1815. Ainsi, la Crimée marque non seulement l'entrée en scène de Louis Napoléon sur le théâtre extérieur, mais aussi et surtout le grand retour de la France dans le concert international en même temps que le premier vacillement de l'Europe du congrès de Vienne. Guerre bizarre que personne ne semble avoir vraiment voulue et qu'on ne sait au juste comment mener, faute de frontières communes et de buts territoriaux bien précis.
    Il n'empêche qu'à partir d'une dispute entre moines catholiques et orthodoxes pour le contrôle de quelques sanctuaires des Lieux saints, dispute arbitrée par le sultan dans un sens qui déplaît au tsar, les événements s'enchaînent, se précipitent et s'emballent.
    Nicolas I er revendique le droit de protéger les chrétiens orthodoxes de l'Empire ottoman, donnant à croire qu'il se propose de dépecer « l'homme malade de l'Europe », et d'en profiter pour accéder enfin — vieux rêve — à la Méditerranée par les Détroits. C'est plus que ne peuvent admettre les Anglais qui ne veulent pas de marine russe en Méditerranée et qui, comme les Autrichiens, ne souhaitent pas livrer les Balkans aux ambitions du tsar.

    Bien qu'il n'ait pas été directement concerné par la première phase du conflit, Louis Napoléon n'en va pas moins s'associer àl'Angleterre pour déclarer la guerre à la Russie, en mars 1854. Sans doute y voit-il une bonne occasion de rompre le front européen de 1815 et d'indiquer par avance sa place dans la cause des nationalités. Il est vrai que, s'agissant des Balkans, ce n'est pas l'ouvrage qui manque... Devant les Chambres, il prend donc soin de préciser qu'il s'agit d'une guerre idéologique, et non de conquête : « La France n'a aucune idée d'agrandissement, elle veut uniquement résister à des empiètements dangereux. Aussi, j'aime à le proclamer hautement,

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