Louis Napoléon le Grand
s'adressant aux musulmans, il leur expliqua qu'il entendait les faire « participer à l'administration du pays comme aux bienfaits de la civilisation ».
Sereau raconte ainsi le voyage : « Il tint à voir de près les écoles, les travaux des ports d'Alger et d'Oran. Il pressentit l'importance future de la rade de Mers-el-Kébir. Il se renseigna sur les sondages effectués et fit exécuter une étude qui fixa à vingt-cinq millions, répartis sur cinq années, la dépense nécessaire pour en faire un port militaire complet et imprenable. »
Tout compte fait, en ce domaine comme en d'autres, les résultats ne furent pas, au moins dans l'immédiat, à la hauteur de l'effort consenti. Il est vrai que les éléments s'étaient déchaînés : le choléra, les sauterelles, la sécheresse, la famine sévirent tour à tour...
En Tunisie, toute proche, la route fut ouverte qui devait mener la III e République à la signature du traité du Bardo. C'est sous Louis Napoléon, en effet, que sont jetées les bases de ce qui sera le protectorat: tandis que les officiers français instruisent l'armée tunisienne, que des experts assistent le gouvernement local pour la gestion de ses finances, on obtient du bey la concession d'un réseau télégraphique dont les commerçants français seront les principaux utilisateurs.
L'oeuvre de Louis Napoléon, si notable au Maghreb, n'est pas moins considérable en Afrique occidentale... Le mérite personnel de Faidherbe n'est pas contestable. Mais qui lui donna les moyens d'en faire la démonstration, sinon l'empereur, qui, après l'avoir nommé au poste de gouverneur du Sénégal en 1854, prit le parti de le maintenir en place dix années durant, alors que, pendant les quarante années précédentes, le poste n'avait pas eu moins de trente et un titulaires? Attitude d'autant plus méritoire que les idées politiques de Faidherbe, hostile à l'Empire, étaient connues de tous. Le résultat, sur le terrain, fut à la mesure d'une attitude aussi sage.
En 1851, la France n'avait encore pris pied qu'à Saint-Louis, sur l'îlot de Gorée et dans trois petites stations de l'intérieur. En l'espace de quelques années, le Sénégal est soumis. Saint-Louisbénéficie d'importants travaux urbains, un lycée y est ouvert, le port de Dakar est creusé. Très vite, des routes s'ouvrent, des postes s'implantent. Parallèlement, on diffuse les techniques agricoles en encourageant tout particulièrement la culture de l'arachide, avec pour résultat le triplement de l'activité commerciale de Gorée et de Saint-Louis.
L'action conduite, porteuse d'avenir, engage le processus de la double pénétration de l'Ouest vers l'Est, par le Sénégal, et du Sud vers le Nord, par la Guinée. Simultanément, sont développés les comptoirs sur la Côte d'Ivoire, un protectorat est établi sur Porto Novo, tandis que de premiers jalons sont posés du côté du Dahomey.
Cependant, aucune entreprise ne fut plus conforme aux pensées profondes de Louis Napoléon, aucune ne rassembla autant de motivations chères à son coeur que le percement de l'isthme de Suez. Suez, pour lui, est une chance supplémentaire offerte au développement du commerce mondial, c'est une possibilité de restaurer notre influence sur le pays clé qu'est l'Égypte, c'est le moyen de contrôler une nouvelle route maritime de la plus grande importance et c'est l'occasion pour la France de donner au monde un témoignage de sa grandeur retrouvée.
A côté de Ferdinand de Lesseps, le rôle personnel de Louis Napoléon ne peut être minimisé. Il est d'autant plus évident et plus actif que Lesseps est cousin de l'impératrice. L'intéressé lui-même ne laissera planer aucun doute sur ce point: s'il a finalement réussi, c'est grâce au concours actif et à l'intelligence politique de l'empereur. Et l'influence de celui-ci trouve en quelque sorte sa démonstration dans l'échec ultérieur du projet de Panama.
Il a vraiment fallu déployer des trésors de diplomatie pour pouvoir lancer et conclure l'opération. Après Méhémet-Ali, la France ne pesait plus guère en Égypte ; elle va y retrouver graduellement sa place sous les règnes de Saïd puis d'Ismaïl Pacha. Il a fallu apaiser, désintéresser, neutraliser l'Angleterre qui multipliait les embûches: comment celle-ci aurait-elle pu ne pas s'inquiéter à la perspective du contrôle par les Français de la nouvelle route des Indes?
Quel formidable défi technique et humain à relever!
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