Louis Napoléon le Grand
aussi attentif, par la suite, à la nécessité de la revalorisation de la condition enseignante... Surtout, pour faire face à la pénurie, il créa par un décret du 31 décembre 1853 des postes d'instituteurs suppléants et adjoints.
L'essentiel est ailleurs. La loi de 1833 organisant l'enseignement primaire public était mal appliquée. Ce texte important, qui avait fondé les écoles normales, prolongeait les écoles primaires par des écoles primaires supérieures, imposant à toutes les communes d'entretenir une école, d'ailleurs réservée aux garçons. Au cas où les communes éprouveraient trop de difficultés à voter les centimes additionnels nécessaires pour financer l'accueil des enfants indigents était prévue l'intervention de centimes départementaux, complétée le cas échéant par une participation de l'État à prélever sur un crédit global. Il existait donc un maximum légal et financier d'admissibilité pour les plus pauvres.
Situation d'autant plus insupportable que le système fonctionnait mal : beaucoup de conseils généraux s'abstenaient de voter les aides auxquelles ils étaient astreints, empêchant du même coup le déclenchement des aides de l'État. Ainsi, plusieurs centaines de milliers d'enfants pauvres ne trouvaient pas accès à l'enseignement.
Avec l'appui de l'empereur, Duruy fit voter en 1867 une nouvelle loi, de nature à régler le problème. Les communes se virent reconnaître le droit d'établir la gratuité totale sous la réserve d'augmenter de 3 centimes leur contribution aux dépenses scolaires : cette condition remplie, l'assistance de l'État devenait automatique et définitive. Du coup, les admissibilités gratuites n'étaient désormais soumises à aucun maximum, de droit ou de fait. Dès les premiers mois d'application de la loi, la gratuité devint effective dans quelque huit mille communes et profita rapidement à quelque cent mille élèves.
Le ministre avait aussi annoncé très tôt sa volonté d'instaurer le double principe de l'obligation et de la gratuité générales. Ses collègues au gouvernement ne manquèrent pas de pousser de hauts cris. Le moment n'était pas venu... Fidèle à sa stratégie, Louis Napoléon préféra se borner à engranger ce qui pouvait l'être.
On renvoya donc le principe de l'obligation à des temps meilleurs, sans perdre de vue l'objectif qui dépendait en fait de la multiplication des écoles. Quant à la gratuité, on se fit une raison. Duruy reconnut lui-même qu'il ne tenait pas outre mesure « à ce qu'un fermier fût dispensé de payer 10 ou 12 francs par an de rétribution scolaire alors qu'il en donnait 10 à 12 000 à son propriétaire. »
L'empereur et son ministre purent d'autant plus aisément faire preuve de patience que la loi comportait une avancée décisive dans un autre domaine : toutes les communes étaient désormais tenues de créer une école de filles.
Les innovations dans le primaire ne se limitèrent pas à ces réformes : le souci de l'efficacité, la volonté de rapprocher l'éducation des réalités de la vie quotidienne conduisirent par exemple à introduire dans les écoles de filles la pratique des travaux à l'aiguille — treize mille maîtresses étant nommées à cet effet — ainsi que l'enseignement de notions élémentaires en matière de comptabilité agricole et d'hygiène. De même, le programme des écoles rurales se trouva enrichi par l'introduction de quelques notions de caractère économique. Parallèlement, les écoles normales furent dotées de terrains agricoles expérimentaux, « afin que la principale maison scolaire du département devienne comme une sorte de ferme modèle pour la petite culture ». Enfin, l'existence de cours pour adultes fut consacrée par l'octroi d'une indemnité légale aux personnes qui s'en chargeaient.
L'extension de la gratuité et l'augmentation du nombre des écoles primaires suscitèrent une assez vive irritation dans le clergé. Ce ne fut rien à côté des protestations que souleva de sa part la création d'un enseignement secondaire de jeunes filles: l'Église aurait souhaité conserver la maîtrise totale de ce secteur, dont la responsabilité ne pouvait incomber, d'après elle, qu'à des prêtres ou à des femmes. Ce n'était pas l'avis de l'impératrice qui contribua activement à imposer la réforme en faisant suivre par ses nièces espagnoles ce nouvel enseignement qui, à la fin de l'Empire, était dispensé à la Sorbonne et
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