Louis Napoléon le Grand
dans quarante-quatre villes de province.
L'enseignement secondaire devait connaître d'autres évolutions notables. Sur le plan pédagogique, d'abord : Duruy y rétablit les cours de philosophie, y imposa un enseignement de l'histoire contemporaine — qui, jusque-là, n'allait pas plus loin que 1815 — et réaménagea celui du dessin. Sur le plan des conditions d'accès, aussi: l'organisation du régime des bourses remontait à floréal an X, et brillait par son inefficacité. Les réformes introduites en 1848, sans qu'interviennent les rallonges budgétaires nécessaires, avaient créé une situation ubuesque: en 1853, sur un nombre de bourses théorique de deux mille quatre cents — quota notoirement insuffisant — on s'aperçut qu'il en était distribué moins de mille! Il y fut remédié prestement.
Le plus important tenait à la réorganisation du cursus secondaire. Reprenant et adaptant une idée avortée de son prédécesseur Fortoul, Duruy sépara les voies littéraire et scientifique, créant pour celle-ci un « enseignement secondaire spécial ». Cette réforme, qui bénéficiait d'un appui énergique de Louis Napoléon soucieux de fournir les cadres, ingénieurs et contremaîtres indispensables à un appareil économique en pleine expansion, avait pour objet d'offrir aux enfants de tous les milieux, agricoles, industriels et commerciaux, une formation en rapport avec leurs perspectives de carrière.
Duruy l'explique en ces termes : « J'appelais cet enseignement "enseignement secondaire" parce qu'il s'élevait fort au-dessus des préoccupations de l'enseignement primaire et "spécial" parce que ma circulaire d'exécution précisait que si l'enseignement classique est le même partout, l'enseignement spécial doit varier dans beaucoup de villes selon le caractère de l'industrie dominante. »
En même temps que cette filière se mettait rapidement en place, une « École normale spéciale » destinée à en former les enseignants s'installait dans les locaux de l'ancienne abbaye de Cluny. Tout indique qu'il s'agissait d'une heureuse réforme : en 1870, le major de Polytechnique sortait des rangs de l'enseignement secondaire spécial.
Cette nouvelle voie eut contre elle d'être considérée par les républicains comme une création impériale — ce qui était vrai — et donc comme nocive — ce qui était faux. On laissa, après 1870, péricliter l'École normale spéciale, et l'on revint sur une innovation dont le caractère positif était avéré.
Duruy le constata avec amertume : « On a voulu préparer une fusion de l'enseignement secondaire spécial et de l'enseignement secondaire classique. Et on n'a plus ni l'un ni l'autre. »
Il faudra attendre le début du siècle suivant, et la loi Astier, pour renouer avec un choix si prometteur.
Ce ne fut pas là le seul effet aveuglant du sectarisme. On critiqua aussi, contre toute vraisemblance, le prétendu immobilisme impérial dans le domaine de l'enseignement supérieur. C'est pourtant à bon droit que Duruy a pu souligner que « l'Empire avait eu le temps d'inaugurer [...] une méthode nouvelle et féconde d'enseignement supérieur ».
Le nombre des facultés s'accrut: Nancy, Douai, Clermont-Ferrand, Poitiers, Marseille vinrent s'ajouter à la liste. Le Centre national des arts et métiers fut rééquipé; l'École des langues orientales vivantes réorganisée ; une Ecole supérieure d'agronomie implantée au Muséum.
Tandis que s'ouvraient des chaires ou des cours complémentaires orientés systématiquement vers les sciences nouvelles, vingt-six laboratoires furent construits et dotés d'un matériel moderne ; parallèlement, fut édifié l'observatoire météorologique de Montsouris. Louis Napoléon, qui a si souvent prélevé sur sa cassette de quoi aider les chercheurs en manque d'argent, suivait avec intérêt et passion les progrès de ces recherches. Comme l'a écrit Merruau dans ses Souvenirs de l'Hôtel de Ville, il s'était tracé à cet égard une ligne de conduite qu'il formulait ainsi: « ne rien condamner comme chimérique avant examen, faire éclore les idées fécondes que l'on accuse si souvent les Administrations de dédaigner et d'étouffer ».
Couronnement de cet effort, la création de l'École pratiquedes hautes études, qui donna très vite des professeurs de renom à nos facultés, mais également à maintes universités et académies étrangères.
Au total, le bilan de l'action conduite est impressionnant. Les
Weitere Kostenlose Bücher