Louis Napoléon le Grand
à la politique de fusion des compagnies, elle a progressivement porté ses fruits grâce au relais d'hommes comme Talabot : inaugurée par une série de décrets en mars 1852, elle a abouti à la constitution de six grandes compagnies assurant la gestion d'un réseau homogène, dont cinq subsisteront jusqu'à la création de la SNCF en 1937: Est, Nord, Paris-Lyon-Marseille, Orléans, Ouest et Midi.
Dès lors, le moment est venu de passer à une deuxième phase de réalisation. En juin 1859, les conventions Franqueville enregistrent l'engagement des compagnies de construire un nouveau réseau qui ramifiera l'ancien.
Effectivement, à la fin du règne, le réseau français totalisera quelque 20 000 kilomètres. 111 millions de voyageurs l'empruntent. 44 millions de tonnes de marchandises sont transportéeschaque année. L'Angleterre, avec ses 17 800 kilomètres, aura été rattrapée et largement dépassée. Parallèlement, le nombre des locomotives aura quintuplé.
Quels chantiers, il est vrai!
Les travaux mobilisaient des armées de travailleurs de tous les corps de métiers, jusqu'aux cuisiniers qui devaient à chaque inauguration, sortir le grand jeu: moutons à la broche, boeufs entiers, le tout largement arrosé de bière et de vin. Les ingénieurs domptaient tous les obstacles: vallées profondes ou bras de mer enjambés par des ponts métalliques et des viaducs, tunnels de plus en plus longs se jouant des montagnes: celui du Mont-Cenis, inauguré en 1870, aura 13 kilomètres de long.
Les Schneider, qui avaient acheté les mines et les forges du Creusot, produisaient en 1860 quatre-vingts locomotives par an et employaient dix mille ouvriers. Les fonderies d'Oullins, près de Lyon, les Wendel, à Hayange, dans l'Est, les Thierry Mieg à Mulhouse sortaient jusqu'à une locomotive par jour...
Ce formidable essor n'est pas allé sans quelques incidents de parcours. D'abord hésitante, l'opinion s'est enthousiasmée et la spéculation s'est déchaînée. Les Pereire se sont largement engagés dans une aventure où l'on n'est guère surpris de retrouver Morny. Celui-ci a pris la présidence d'une compagnie qui devait introduire les voies ferrées dans le Massif central. Les travaux sont longs et difficiles, et le « Grand Central » se trouve en 1857 au bord de la faillite; il faut pour éviter le scandale une intervention du gouvernement, Rouher répartissant la concession entre les deux compagnies voisines.
Cet incident est vraiment peu de chose à côté de l'ampleur de la révolution économique et sociale que suscitent les opérations menées à bien. L'agriculture, qui vivait repliée sur les marchés locaux, l'industrie dont le comportement restait empreint d'une timide prudence, voient s'ouvrir de nouveaux débouchés qui les contraignent à s'enhardir et accélèrent leur expansion. Parallèlement, Paris et les grandes villes, désormais reliées entre elles, vont trouver de quoi alimenter leur développement réciproque.
Le rail aura engendré le trafic. Et le trafic aura déterminé prospérité et enrichissement. La vie de nombreux Français s'en trouve transformée. Les hommes, les idées, les denrées circulent. Les distances se raccourcissent. Les Français voyagent trois fois plus. Ils correspondent davantage, à la faveur du lancement dutimbre-poste: neuf lettres au lieu de cinq par an et par famille. Les lectures elles-mêmes évoluent: les colporteurs continuent d'aller de village en village, mais Louis Hachette a déjà lancé ses bibliothèques de gare.
Le développement du télégraphe électrique a suivi celui du chemin de fer. Ses lignes furent d'ailleurs généralement implantées le long des voies ferrées, et il y avait quelque logique à coupler ainsi les deux entreprises. En 1849, la France ne possédait encore que 500 kilomètres de ces lignes, autrement plus développées en Angleterre, en Russie, en Allemagne et en Belgique; on en était resté, paresseusement, au système aérien de télégraphe optique qui reliait Paris à vingt-neuf villes par l'intermédiaire de cinq cent trente-quatre stations, pour une longueur totale de quelque 5 000 kilomètres.
Déjà, le prince-président avait encouragé l'extension du réseau électrique, qui était passé à 2 133 kilomètres pour dix-sept bureaux. Le 6 janvier 1852, un décret-loi ouvrit un crédit de 5 millions de francs pour accélérer encore les travaux.
Les résultats sont, là aussi, spectaculaires. En 1869, le réseau
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