Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Louis Napoléon le Grand

Louis Napoléon le Grand

Titel: Louis Napoléon le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Séguin
Vom Netzwerk:
ne tiendra pas plus de quelques semaines. Assez pour apprendre beaucoup, et mesurer la longue distance qui sépare si souvent le discours et les actes.
    Il reprendra sa profession d'avocat... Cela ne l'empêchera d'ailleurs pas d'avoir à souffrir du 2-Décembre. Son père, Démosthène Ollivier, est arrêté, incarcéré, promis à la déportation. Le fils aurait pu en concevoir de l'amertume; il saura oublier.
    C'est une intelligence exceptionnelle, peut-être desservie par une sensibilité à fleur de peau; il a l'orgueil de sa conviction, orgueil qui se teinte parfois d'une ombre de vanité. On a pu dire qu'il était un romantique attardé dans une époque positiviste. Il est enthousiaste, de temps en temps naïf, et peut-être trop optimiste.
    Morny avait vite remarqué cet élu de 1857, l'un des plus brillants du groupe des cinq opposants. Le président du Corps législatif n'avait pas tardé à le trouver différent des autres et peu à son aise au sein du vieux parti républicain. Et, de fait, Ollivier est convaincu que la révolution mène tout droit au despotisme. Il est devenu peu à peu indifférent à la forme des régimes et ne croit plus qu'à la liberté. Alors, pourquoi pas l'Empire? A lui peut-être de le transformer, de le transfigurer.
    Louis Girard assure qu'il n'a pas seulement Benjamin Constant pour modèle, mais que, toute révérence gardée, il n'a pas exclu de jouer dans la politique française un rôle analogue à celui de saint Paul pour le catholicisme.
    Ce qui le détermine, c'est plus et mieux qu'une ambition, c'est une mission. Le mot qui s'applique le moins à sa démarche est bien celui de ralliement. Ollivier ne s'est pas rallié à Louis Napoléon. Venant d'horizons opposés, les deux hommes sont allés l'un vers l'autre; les chemins qu'ils ont choisi d'emprunter se sont croisés et leur rencontre n'implique pour aucun d'eux un quelconque reniement.

    Comme si chacun pressentait les risques de fausse interprétation, l'heure du rendez-vous sera longtemps différée. C'estune véritable danse d'amour qu'ils vont interpréter tous deux, reportant à beaucoup plus tard une association à laquelle tout les destine.
    Et pourtant, dès 1861, comment pourrait-on douter un seul instant du caractère inéluctable de leur entente?
    Après un discours d'une extrême violence du député Keller sur l'Italie, c'est Ollivier qui prend la parole, soutenant la politique de l'empereur — comme il a défendu l'année précédente le traité franco-anglais - puis, emporté par son éloquence, adjurant Louis Napoléon de conduire la France sur la voie de la liberté. Huit ans avant l'échéance, il annonce qu'il accepte d'y participer. Il faut lire et relire ces phrases, dont Ollivier lui-même rapporte qu'il les prononça avec une sorte de « transport intérieur » :
    « Sire, quand on est acclamé par trente-cinq millions d'hommes, quand on est acclamé parmi les Souverains, quand la destinée a épuisé pour vous toutes ses faveurs, il reste encore une joie ineffable à connaître, c'est, repoussant les conseillers pusillanimes, d'être l'initiateur courageux et volontaire d'un grand peuple à la liberté [...]. J'en réponds, le jour où cet appel serait fait, il pourrait bien se trouver encore dans le pays des hommes fidèles aux souvenirs du passé ou absorbés par les espérances de l'avenir, mais le plus grand nombre approuverait avec ardeur. Quant à moi, qui suis républicain, j'admirerais, j'appuierais, et mon appui serait d'autant plus efficace qu'il serait totalement désintéressé. »
    A l'époque, Morny n'arrête pas, comme on dit, de le « travailler au corps ». C'est superflu; et inutile. Superflu, parce qu'Ollivier sait fort bien ce qu'il veut et où il va. Inutile, parce que l'opération séduction du président du Corps législatif n'est pas de nature à modifier le comportement qu'il s'est choisi. Nul n'a besoin de le solliciter pour qu'il réponde à Thiers, après le discours de celui-ci sur les « libertés nécessaires », discours où s'exprime une préférence pour un souverain qui règne et ne gouverne pas. Ollivier va s'en démarquer nettement : « Je réclame la responsabilité des Ministres sans exclure celle du Chef de l'État. »
    On ne saurait dire plus clairement qu'il veut un empereur responsable. Dans son livre le 19 Janvier, il explicitera ultérieurement sa pensée: « La responsabilité de l'Empereur porte sur la direction de l'ensemble, celle des ministres

Weitere Kostenlose Bücher