Louis Napoléon le Grand
sur la part qu'ils ont prise à cette direction et en outre sur l'exécution et le détail. Laresponsabilité de l'Empereur ne pouvant être mise en action que par un plébiscite ou par une révolution, est la reconnaissance constitutionnelle de la souveraineté populaire (...) La responsabilité ministérielle, qui ne s'impose que par des coups de majorité, est la reconnaissance des droits politiques des Assemblées. »
En 1865, il va plus loin, en votant l'adresse. Dans un discours resté fameux, le 27 mars, il condamne les tentations d'immobilisme tout en affichant sa disponibilité: « Quant à moi, mon parti est pris. Le jour où le souverain entrera dans la voie libérale politique avec autant de décision qu'il est entré dans la liberté civile et sociale, ce jour-là [...] je ne serai pas hostile, je serai favorable. Car je n'hésite pas à le déclarer hautement dès aujourd'hui. Mon voeu le plus sincère, mon voeu le plus ardent, c'est que le gouvernement de l'Empereur se consolide par la liberté. »
On commence à parler très sérieusement de son accession à un ministère dans une combinaison dont Morny aurait pris la tête. Il ne veut pas alors en entendre parler, et adoptera la même attitude, en décembre 1866, lorsque Walewski lui déclarera tout de go: « L'Empereur m'a chargé de vous offrir le Ministère de l'Instruction Publique avec délégation générale comme orateur du Gouvernement devant les Chambres. »
Ollivier s'est expliqué sur ces deux refus successifs: « Les élévations soudaines, imprévues, sont précisément le propre du pouvoir absolu; dans les Gouvernements libres, les premiers emplois ne sont accessibles qu'à ceux qui, après un stage plus ou moins long, ont obtenu la confiance de l'opinion. »
Ce qu'il pense sans doute, c'est qu'il serait moins efficace en menant, de l'intérieur, une oeuvre de libéralisation qu'en travaillant, hors du gouvernement, à lui susciter des concours.
***
Pourtant, le contact a été enfin noué.
Émile Ollivier fait partie d'une commission que préside l'impératrice et qui est destinée à améliorer le sort des jeunes détenus, pour lesquels on se propose de substituer à la prison l'envoi en colonies agricoles. A ce titre, il s'est rendu aux Tuileries le 27 juin 1865, et, profitant de l'occasion, Louis Napoléon, qui feint d'être passé par hasard, s'arrange pour le rencontrer et pour engager avec lui une première conversation. L'empereur en retirela meilleure des impressions. L'homme lui plaît: il lui a paru sincère et désintéressé.
Très vite, la nouvelle de l'entretien se répand et les spéculations vont bon train. On imagine que cela doit agacer au plus haut point Rouher qui n'est pas pour rien dans cette note très sèche qui paraît au Moniteur du 13 septembre et tente de mettre un terme aux rumeurs: « Les journaux s'évertuent depuis quelque temps à prédire du changement dans les hommes et dans les choses du gouvernement. Nous sommes autorisés à déclarer que ces bruits sont sans fondement et inventés par la malveillance. »
Du moins est-il clair que désormais Rouher et Ollivier se livreront une lutte sans merci. C'est sans doute à Rouher qu'Ollivier pense lorsqu'il prend au début de 1866, avec quarante-trois autres signataires, l'initiative d'un amendement à l'adresse qui obtiendra soixante-trois voix et qui demande la poursuite (ou la reprise?) des réformes libérales: «La France, fermement attachée à la dynastie qui garantit l'ordre ne l'est pas moins à la liberté qu'elle considère comme nécessaire à l'accomplissement de ses destinées. Aussi, le Corps Législatif croit-il être l'interprète du sentiment public en apportant au pied de votre Trône le voeu que votre Majesté donne au grand acte de 1860 les développements qu'il comporte. »
Il n'y a rien là qui soit de nature à choquer Louis Napoléon. D'ailleurs, celui-ci accomplira bientôt un geste qui n'est pas dépourvu de portée, en étendant le droit d'amendement et en créant une indemnité de 12 500 francs par session, ce qui est une façon, qui en vaut bien une autre, de reconnaître le droit des députés à une certaine indépendance. Chacun sent bien qu'on s'oriente vers des moments décisifs.
Défendant l'amendement à l'adresse de janvier 1866, qui préconisait « un sage progrès de nos institutions », Ollivier reste sur la position qu'il avait ainsi exprimée l'année précédente: « Céder ne suffit pas, il faut céder
Weitere Kostenlose Bücher