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Louis Napoléon le Grand

Louis Napoléon le Grand

Titel: Louis Napoléon le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Séguin
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Napoléon va au plus droit; et brûle ses vaisseaux.
    Le surlendemain même de la réunion du Conseil dont chacun attend les suites, il fait publier par le Moniteur une lettre qu'il adresse à Rouher et qui contient tout un programme ; un programme d'ampleur cataclysmique. On y trouve non seulement l'annonce de mesures capitales dans le domaine de la procédure parlementaire, mais, qui plus est, la formulation d'un plan particulièrement ambitieux dans le domaine des libertés civiles.
    Le droit d'adresse est supprimé, et remplacé par un droit d'interpellation permanent, encore que « sagement réglementé »: il faudra cinq signatures pour que soit enregistrée l'interpellation, puis l'accord de deux bureaux sur cinq au Sénat et de quatre bureaux sur neuf au Corps législatif pour que sa discussion puisse être engagée.
    Par ailleurs, s'il est nettement rappelé que la solidarité entre ministres n'existe pas et que les ministres dépendent « uniquement du Chef de l'État », il est admis que chacun d'eux pourra participeraux débats du Corps législatif en vertu d'une délégation spéciale.
    Louis Napoléon annonce qu'il soumettra bientôt deux textes essentiels au vote du Corps législatif. Le premier attribuera aux tribunaux correctionnels le jugement des délits de presse, et mettra donc un terme au régime d'exception. Le second, prévoira et organisera le droit de réunion, « en le contenant dans les limites qu'exige la sûreté publique ».
    Ces mesures constituent, explique Louis Napoléon, « le couronnement de l'édifice élevé par la volonté nationale ».
    Parallèlement, Louis Napoléon a demandé la démission de tous ses ministres. Seul, Rouher est assuré de rester en place: c'est à lui que la lettre est adressée, et c'est à lui de mettre en oeuvre ces instructions. Cruauté nécessaire — à qui d'autre faire appel ? - mais cruauté indiscutable — car chacune de ces directives, Louis Napoléon le sait mieux que quiconque, met Rouher à la torture. Qu'importe, l'empereur est bien décidé à ne rien tenter qui puisse apparaître comme un désaveu du passé. Alors, il doit bien se résoudre à faire appliquer par les uns, qui n'en peuvent mais, les idées des autres.
    Certains paragraphes de la lettre du 19 janvier n'en ont que plus de saveur:
    « Jusqu'ici vous avez dû lutter avec courage en mon nom pour repousser des demandes inopportunes et pour me laisser l'initiative des réformes utiles lorsque l'heure en serait venue. Aujourd'hui, je crois qu'il est possible de donner aux institutions de l'Empire tout le développement dont elles sont susceptibles et aux libertés publiques une extension nouvelle sans compromettre le pouvoir que la Nation m'a confié.
    « Le plan que je me suis tracé consiste à corriger les imperfections que le temps a révélées et à admettre les progrès compatibles avec nos moeurs car gouverner, c'est profiter de l'expérience acquise et prévoir les besoins de l'avenir. »
    Walewski, depuis la présidence du Corps législatif, a quelques raisons de pavoiser, les idées reprises par l'empereur n'étant guère éloignées des siennes. Nombreux sont ceux qui pensent que, tout en faisant écarter Ollivier, il est parvenu à s'en servir. Mais Ollivier, de son côté, ne cache pas sa satisfaction. Il se console d'autant plus aisément de rester à l'écart qu'il sait bien que son heure n'est pas encore venue; le programme proposé lui convienttout à fait: « Ils voulaient m'employer, s'écrie-t-il, et c'est moi qui les ai employés, pour ma cliente "la liberté". »
    Pour l'heure, c'est à Louis Napoléon de se battre, et tout seul. A l'occasion de son discours du Trône, en février, le Corps législatif va lui réserver un accueil exécrable. Tant de froideur le déconcerte, le déconcentre même. Il lit mal son discours, bute sur les mots, ses papiers tremblent dans ses mains. Les républicains pensent qu'il n'en fait pas assez, les bonapartistes qu'il en fait trop, et les amis de Thiers qu'il cherche à les prendre à revers... Et puis, au-delà des mesures qu'il vient de prendre, il y a toutes celles qui se profilent à l'horizon, et ce projet de loi militaire dont pratiquement personne ne veut.
    Mais l'empereur fait front, et va jusqu'au bout de sa logique... Les réformes se mettent en place et se développent. Un sénatus-consulte du 14 mars renforce les droits du Sénat qui pourra désormais, avant la promulgation définitive d'une loi, la renvoyer

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