Louis Napoléon le Grand
une réaction d'orgueil de sa part à l'idée de sembler fléchir devant les tenants de ce parti pro-autrichien qui l'a toujours combattu et qu'il n'est guère tenté de satisfaire.
Quoi qu'il en soit, et comme il n'était que trop prévisible, les conditions de la paix vont être dictées par la Prusse. Lors des négociations préliminaires de Nickolsburg, le 26 juillet, que confirmera la paix signée à Prague un mois plus tard, il est décidé de procéder à la dissolution de la Confédération germanique, ce qui revient à exclure complètement l'Autriche des affaires allemandes. Une Confédération de l'Allemagne du Nord est immédiatement constituée, dotée d'une armée et d'un budget communs, dont le roi de Prusse devient le président héréditaire. Enfin, la France reçoit de l'Autriche la Vénétie qu'elle rétrocède à l'Italie.
Louis Napoléon a donc obtenu du moins satisfaction sur un premier point. Les apparences sont encore sauves. Il est vrai qu'il est allé de lui-même au-delà des demandes initiales de Bismarck qui, pour relier entre elles les provinces prussiennes, souhaitait s'approprier les seuls territoires intermédiaires représentant quelquetrois cent mille habitants. Or, Bismarck s'en voit offrir dix fois plus, avec l'annexion du Hanovre, du Hesse-Cassel, du Nassau et de Francfort.
Sans doute l'empereur espère-t-il que la bonne volonté dont il a fait preuve lui permettra de trouver pour la France quelques-unes des « compensations » sur lesquelles il croit se souvenir d'avoir obtenu, à Biarritz, un accord de principe.
Ce sera pire que peine perdue. Non seulement Bismarck ne donnera rien mais, ne reculant devant aucune déloyauté, aucun coup bas, il va se servir de l'affaire pour placer la France en posture d'accusée sur la scène internationale et contribuer à son isolement. Il parviendra aussi à persuader l'opinion française que l'empereur et avec lui son pays ont subi une grave offense tout en sombrant dans le ridicule.
Un première demande fut promptement introduite par Drouyn de Lhuys: elle portait sur certains territoires de la rive gauche du Rhin — donc des territoires allemands — et sur le Luxembourg dont on voulait, dans un premier temps, obtenir pour le moins la démilitarisation.
Bismarck refusa. Mieux, il fit publier son refus dans un journal français, le Siècle — divulgation qui avait notamment pour but de montrer aux États allemands du Sud combien un rapprochement était souhaitable avec la Prusse s'ils ne voulaient pas, un jour, se trouver sans protection face à de tels appétits. Drouyn de Lhuys paya de son poste ce qu'on affecta de considérer comme une gaffe. En fait, on avait été dupé. On décida pourtant de revenir à la charge.
Cette deuxième tentative paraissait poser moins de problèmes, car elle était conforme aux suggestions mêmes de Bismarck. Quand celui-ci avait refusé la première sollicitation française, il s'était ainsi exprimé devant Benedetti: «Monsieur l'Ambassadeur, ce serait la guerre entre nos deux pays. Je n'oserai même pas en parler au Roi... Il ne peut être question de vous céder une terre allemande; mais regardez autour de vous, les pays où l'on parle français; il y a le Luxembourg; il y a la Belgique. »
Tout semblait donc indiquer non seulement qu'on avait obtenu le feu vert dans cette double direction mais que, de surcroît, Bismarck avait implicitement sinon formellement confirmé son engagement sur les compensations. Il est vrai qu'on n'était pas informé de ce que le ministre prussien disait, à peu prèsau même moment, à un général italien, de passage à Berlin : « Louis veut un pourboire! »
Pourboire! L'intention méprisante est évidente. Mais n'y a-t-il pas lieu de noter qu'un pourboire, en bonne sémantique, désigne une gratification facultative?
En tout cas, lorsque Bismarck reçoit à nouveau Benedetti venu lui demander « le concours de ses armées au cas où l'Empereur des Français serait amené par les circonstances à conquérir la Belgique », il lui demande de rédiger de sa propre main une copie de la communication pour la montrer au roi. Il met cette copie dans sa poche et l'y conserve jusqu'au jour... de juillet 1870, où il pourra démontrer pièce à l'appui — en la faisant publier dans le Times — que Louis Napoléon lui avait alors proposé un pacte déloyal.
Troisième et ultime demande française : le Luxembourg, dont l'acquisition devait être pour le moins
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