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Louis Napoléon le Grand

Louis Napoléon le Grand

Titel: Louis Napoléon le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Séguin
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est en position de force; elle n'a aucun intérêt à un armistice rapide, et veut obtenir tout son dû avant de déposer les armes. Quant à la France, quels profits peut-elle légitimement retirer de l'affaire, quelles garanties peut-elle obtenir pour le futur? Son intervention diplomatique, dans un contexte aussi limpide — un vainqueur et un vaincu — ne vaut pas très cher. Ce sont des bons offices qu'on lui propose, non une médiation dont l'évidence serait imposée.
    Le ministre des Affaires étrangères, Drouyn de Lhuys, a le mérite de comprendre fort bien tout cela: une simple médiation « amicale » se bornerait à tirer les conséquences — assurément néfastes — de la situation qui vient d'être créée. Pour y parer, on doit faire évoluer cette situation, et modifier le jeu. Il faut donc une médiation « musclée ». Pour l'imposer, le ministre propose une démonstration militaire sur la frontière et, afin d'appuyer politiquement la manoeuvre et de démontrer qu'on est prêt à allerjusqu'au bout, il suggère de convoquer le Corps législatif en session extraordinaire.
    Bismarck confirmera, plus tard, combien le ministre des Affaires étrangères avait vu juste: « Un petit appoint de troupes françaises sur le Rhin, uni aux corps nombreux de l'Allemagne du Sud, eût mis les Prussiens dans la nécessité de défendre Berlin, d'abandonner tous leurs succès en Autriche. »
    L'impératrice plaide pour cette solution. Elle a senti la menace de l'orgueil et de la volonté de puissance de la Prusse. Elle a très bien compris le danger que fait courir à l'Europe son esprit dominateur. Elle sent qu'un jour ou l'autre celle-ci s'en prendra à la France:
    « Jamais, dira l'ambassadeur d'Autriche, depuis que je connais le couple impérial, je n'ai vu l'Empereur si inexistant, ni l'Impératrice prendre nos intérêts à coeur avec tant d'acharnement et de zèle. »
    De son côté, Eugénie se lamente: « Ma voix n'a aucun poids et je suis à peu près seule de mon avis. On exagère les dangers d'aujourd'hui pour nous faire oublier ceux de demain. »
    Effectivement, en Conseil des ministres, Rouher et d'autres que lui plaident contre la solution de Drouyn de Lhuys. Le ministre de l'Intérieur, La Valette, est particulièrement véhément: n'est-ce pas l'empereur lui-même qui a préconisé l'alliance italo-prussienne? Comment dès lors intervenir sans paraître se renier?
    L'empereur s'est retiré, sans se prononcer. Le tour du débat a pu donner à penser que Drouyn l'avait emporté. Fausse impression. Pendant la nuit, peut-être Louis Napoléon a-t-il fait l'objet d'une ultime pression de la part des adversaires de la démonstration armée? Toujours est-il que, le lendemain, la convocation du Corps législatif ne paraît pas au Moniteur. La France ne bougera pas. Officielle médiatrice, elle ne sera en fait que simple spectatrice. Plus encore que celle de Sadowa, c'est la date du 5 juillet 1866 qui s'inscrit au calendrier comme une journée noire pour la France.
    Pourquoi Louis Napoléon a-t-il renoncé à intervenir? Traverse-t-il alors une phase de crise physique particulièrement aiguë, qui amoindrit sa capacité de décision? C'est plus que probable: il venait de quitter précipitamment Vichy. On avait dû le sonder et il était rentré à Saint-Cloud pour y prendre le lit, sur l'ordre de sesmédecins. L'ambassadeur de Prusse, Goltz, en informa son gouvernement par télégramme chiffré: « J'ai trouvé l'Empereur secoué, presque brisé... Il paraît avoir perdu sa boussole de route. »

    Autant la maladie n'affecte en rien sa résolution sur le moyen et le long terme, autant dès qu'il y a lieu de prendre des mesures immédiates, le sort paraît suspendu à l'état de son mal. Il maintient ainsi fermement son cap sur le plan de la politique intérieure, mais en politique étrangère, où les réponses doivent être souvent données dans l'instant, son état de santé peut provoquer des dommages.
    Il est possible, aussi, qu'il n'ait guère cru aux affirmations du maréchal Randon, qui se faisait fort d'amener immédiatement quatre-vingt mille hommes sur le Rhin et deux cent cinquante mille dans les vingt jours, et qu'il les ait considérées comme autant de rodomontades.
    Ce qui est certain, c'est qu'il a déjà conscience des insuffisances de l'armée française, une conscience angoissée face au nouveau défi auquel, immanquablement, elle va se trouver confrontée.
    Enfin, n'est pas à exclure

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