Louis Napoléon le Grand
tentée. Mais on n'obtint rien d'autre que l'évacuation du pays par les troupes prussiennes, qui s'y trouvaient d'ailleurs sans titre puisqu'elles s'étaient installées là au nom de la Confédération germanique, désormais dissoute.
Le bilan n'est donc vraiment pas fameux. Quand vient le moment de le dresser dans un texte connu sous le nom de circulaire La Valette — le ministre qui assurait l'intérim de Drouyn, en attendant l'arrivée de Moustier, qui abandonnait l'ambassade de Constantinople —, Louis Napoléon s'efforce de présenter les choses de manière avantageuse. L'intérêt de ce texte réside dans le fait surtout que Louis Napoléon, peu dupe de ses propres assertions, y indique sa volonté de donner à la France le moyen d'affronter la nouvelle donne. En même temps qu'une manière de démenti au reste de son propos, c'est la preuve qu'il a parfaitement compris les dangers qu'on voit désormais poindre à l'horizon.
Il commence pourtant par rappeler que la situation antérieure n'était guère plus brillante, insistant sur la puissance de l'ex-Confédération germanique, « qui comprenait avec la Prusse et l'Autriche quatre-vingts millions d'habitants, s'étendant depuis le Luxembourg jusqu'à Trieste, depuis la Baltique jusqu'à Trente, nous entourait d'une ceinture de fer et nous enchaînait par les plus habiles combinaisons territoriales ».
Il relève certains éléments de satisfaction: « La coalition des trois coins du Nord est brisée. Le principe nouveau qui régitl'Europe est la liberté des alliances. Toutes les grandes puissances sont rendues les unes et les autres à la plénitude de leur indépendance, au développement régulier de leurs destinées... »
Il fait valoir que la situation nouvelle résulte de la force des choses: « Une puissance irrésistible, faut-il le regretter? pousse les peuples à se réunir en grandes agglomérations en faisant disparaître les États secondaires. »
Toutefois, concède-t-il, « il y a dans les émotions qui se sont emparées du pays, un sentiment légitime qu'il faut reconnaître et préciser. Les résultats de la dernière guerre contiennent un enseignement grave et qui n'a rien coûté à l'honneur de nos armes: ils nous indiquent la nécessité, pour la défense de notre territoire, de perfectionner sans délai notre organisation militaire ».
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Si dur que soit pour lui le choc de Sadowa, Louis Napoléon a le mérite de ne pas rester indéfiniment prostré. Il est conscient des dangers que court désormais la France et de ce que pourrait être la suite des événements. Dès lors, sa religion est faite: il faut, et au plus vite, donner au pays les moyens de sortir victorieux d'un conflit avec la Prusse ou, mieux encore, prévenir l'affrontement par la démonstration d'une puissance militaire nouvelle susceptible de dissuader les évidentes velléités bellicistes d'un voisin devenu encombrant et redoutable.
Il y a longtemps, d'ailleurs, que Louis Napoléon s'était convaincu de la nécessité de procéder à une totale réorganisation de l'armée française. En Italie, il avait été effaré par l'état de désordre qu'il avait pu constater lui-même. Depuis lors, les choses ne s'étaient guère améliorées. Toutes les bonnes résolutions prises sur l'instant avaient été oubliées. Pourtant, n'est-ce pas Louis Napoléon qui, s'adressant aux généraux de l'armée d'Italie le 14 août 1859, leur avait dit: « Que le souvenir des obstacles surmontés, des périls évités, revienne souvent à votre mémoire car, pour tout homme de guerre, le souvenir est la science même ».
Pour ne rien arranger, la guerre du Mexique vient de vider nos arsenaux; elle a compromis le moral de la troupe; et quand il a été question de mobiliser sur le Rhin, on s'est vite aperçu que cela n'irait pas de soi. Surtout, la rapidité de la victoire prussienne a démontré chez l'adversaire une force qu'on ne lui soupçonnait pas.
Jusqu'ici, Louis Napoléon s'était contenté de quelques replâtrages. Il est vrai que l'opinion, la classe politique, les généraux eux-mêmes restaient persuadés que notre armée était la meilleure d'Europe. Du coup, on avait renoncé à exiger davantage d'un Corps législatif qui trouvait qu'on en faisait déjà bien assez. Louis Napoléon s'était contenté d'imposer le chassepot, de faire adopter le canon à tube rayé et de mettre à l'étude un projet de mitrailleuse.
Pour modestes qu'ils fussent, ses efforts
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