Louis Napoléon le Grand
aller jusqu'au bout.
A Ollivier, qui lui a fait part de ses préventions, il rétorque: « Je sais que ce projet est impopulaire. Il faut savoir braver l'impopularité pour remplir son devoir. »
Pourtant, l'empereur accepte un geste de conciliation. Il laisse retoucher le projet avant même son dépôt: le service sera ramené de six ans à cinq ans dans l'armée active... Mais rien n'y fait. Le Corps législatif nomme une commission hostile au texte. Dans le pays, la contestation ne fait que croître: à deux électionspartielles, des candidats favorables à la réforme sont battus. Pis, le rapporteur du projet est lui-même battu au conseil général.
Et la discussion s'éternise...
Pitoyable débat! Piteuse discussion au cours de laquelle on voit les représentants que la France s'est donnés préparer par aveuglement son malheur. Le Corps législatif a bien mérité en ces jours-là la reconnaissance de Bismarck. Tous les Français devraient garder en mémoire le honteux florilège des déclarations de ceux qui ont alors inconsciemment décidé d'envoyer notre armée à la boucherie et de livrer aux Prussiens l'Alsace et la Moselle.
A tout seigneur tout honneur, écoutons d'abord celui dont tant de lycées, tant d'artères portent encore le nom, celui dont on fera le « libérateur du territoire »: l'ineffable Monsieur Thiers. Celui-ci, tout en affectant de soutenir le projet revu et corrigé, prétend que l'armée prussienne est beaucoup moins nombreuse qu'on le dit:
« On vous présente des chiffres de douze cent, de treize cent mille hommes comme étant ceux que les différentes puissances de l'Europe pouvaient mettre sur pied. Quand on vous les a cités, ils vous ont fait une impression fort vive. Eh bien ! ces chiffres-là sont parfaitement chimériques. Je le dis parce qu'il faut rassurer notre pays. Il ne faut pas que les paroles qui sont prononcées ici le persuadent qu'il court des périls effroyables. »
Donc, « qu'on se rassure, notre Armée suffira pour arrêter l'ennemi ».
Écoutons Jules Simon:
« Pour moi, je ne crois pas la guerre prochaine car la Prusse n'a pas d'intérêt à faire la guerre à la France.
« D'ailleurs, précise-t-il, je ne suis pas partisan des armées permanentes [...]. Nous vous demandons sans ambages de supprimer l'armée permanente et d'armer la Nation... »
Écoutons cet autre futur héros de la République renaissante, Jules Favre: « Je repousse la loi pour qu'il soit dit en Europe que la Chambre ne se contente pas de voeux stériles pour la paix, mais que quand on lui met dans la main un bulletin de vote, elle sait en user et que ce n'est pas seulement un voeu mais un acte qu'elle entend accomplir. »
Et encore : « On vous dit qu'il faut que la France soit armée comme ses voisins, que la sécurité est attachée à ce qu'elle soitembastionnée, cuirassée, qu'elle ait dans ses magasins des monceaux de poudre et de mitraille... Ma conscience proteste contre de semblables propositions... Je suis convaincu que la Nation la plus puissante est celle qui serait le plus près du désarmement. »
Écoutons Joseph Magnin : « Je repousse la loi parce qu'elle est une surcharge imposée à la population. »
Et encore: « Les armées permanentes sont en théorie jugées et condamnées. Je crois que dans un avenir prochain, elles disparaîtront. »
Écoutons Ernest Picard: « Par quelle aberration le Gouvernement peut-il songer à chercher les forces de la France dans l'exagération du nombre d'hommes? [...] Je vous conjure, dans l'intérêt de la France de repousser ce projet de loi. »
Écoutons Garnier-Pagès: « Le militarisme est la plaie de l'époque! Qu'est-ce que la force matérielle? ... Le budget de la guerre nous mène à la banqueroute. C'est la plaie, c'est le chancre qui nous dévore! »
Écoutons Eugène Pelletan: « Pas d'armée prétorienne! » Ou encore: « Une invasion est-elle possible? On s'indignerait si je formulais une prévision semblable, et on aurait raison. »
Écoutons Emile Ollivier: « Les armées de la France, que j'ai toujours trouvées trop nombreuses, vont être portées à un chiffre exorbitant. Mais pourquoi donc? Où est la nécessité? Où est le péril? Qui nous menace?.. Que la France désarme et les Allemands sauront bien convaincre leurs Gouvernements à l'imiter. »
Écoutons encore Jules Favre qui admoneste Niel: « Vous voulez donc, s'écrie-t-il, faire de la France une caserne ! » Et la réponse du ministre
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