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Louis Napoléon le Grand

Louis Napoléon le Grand

Titel: Louis Napoléon le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Séguin
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se battre et courir sa chance. Louis Napoléon ne s'est pas vu offrir la moindre opportunité. Il est hors du jeu, vaincu sans doute avant même que le sort de la bataille ne soit définitivement dessiné...
    Le docteur Auger a raconté ces moments : « De huit heures à midi, je n'ai pas quitté l'Empereur. Les obus et les boulets sifflaient [...] à nos oreilles ou éclataient sous nos pas [...]. Un moment, l'Empereur met pied à terre derrière une petite haie. Un obus vient à éclater à dix pas de lui. Si cet homme n'était pas venu là pour se faire tuer, je ne sais en vérité ce qu'il venait y faire. Je ne l'ai pas vu donner un seul ordre pendant toute la matinée. »
    Emile Zola a compris toute la densité dramatique de ces instants. Il en rend compte : « Les balles sifflent, comme un vent d'équinoxe; un obus avait éclaté en le couvrant de terre. Il continua d'attendre. Les crins de son cheval se hérissaient, toute sa peau tremblait dans un instinctif recul devant la mort qui, à chaque seconde, passait sans vouloir ni de la bête, ni de l'homme. Alors, après cette attente infinie, l'Empereur, comprenant que son destin n'était pas là, revint tranquillement. »
    Plus tard, dans son exil, Louis Napoléon a décrit les sentiments qui l'habitaient, expliquant comment, « témoin impuissant d'une lutte désespérée, convaincu que, dans cette fatale journée, sa vie comme sa mort était inutile au salut commun, il s'avançait sur le champ de bataille avec cette froide résignation qui affronte le danger sans faiblesse, mais aussi sans enthousiasme ».
    Peu après le drame, il a confié à Eugénie: « Il ne m'est pas possible de te dire ce que j'ai souffert et ce que je souffre [...] j'aurais préféré la mort à une capitulation désastreuse [...]. »
    Pourtant, la capitulation, c'est lui qui va la décider, dans un sursaut d'autorité. La bataille est perdue et il est devenu inutile d'aggraver encore des pertes terribles. « Assez de sang perdu », soupire-t-il. On retrouve là l'homme de Solferino, de Montebello, celui qu'a dépeint Canrobert: « Il était presque muet tant la douleur le terrassait: c'était la vue du carnage et non sa propre douleur physique. Les Généraux Ducrot et Verge se demandèrent s'il ne fallait pas regretter d'avoir montré le champ de bataille à l'Empereur. »
    Louis Napoléon fait hisser le drapeau blanc au sommet de la citadelle. Au roi de Prusse, stupéfait d'apprendre qu'il se trouve là, il adresse un simple billet:
    « Monsieur mon frère,

    « N'ayant pu mourir à la tête de mes troupes, il ne me reste plus qu'à remettre mon épée entre les mains de Votre Majesté.
    « Je suis de Votre Majesté le bon frère.
    Napoléon »
    Ambert décrit ainsi la terrible scène finale : « Seul dans un fauteuil de la Sous-Préfecture de Sedan, sous un toit brisé par les obus, entouré de morts et de mourants, il remit son épée à un Aide de Camp chargé de la déposer aux mains du Roi de Prusse. »
    Il lui reste à prendre une dernière grande décision, une décision dont les motivations, les implications, les conséquences vont passer inaperçues dans la dramatique confusion du moment et la cadence échevelée des événements ultérieurs. Une décision dont le mérite, depuis l'heure de l'interminable hallali, n'a jamais été reconnu.
    Bismarck, qui n'a rien d'un sot, pose immédiatement la vraie question, la question fondamentale : cette épée que remet Louis Napoléon, quelle est-elle? Celle de l'empereur ou celle de la France? C'est, avec sept décennies d'avance, le choix de 1940 entre l'armistice et la capitulation. Est-ce la France qui se rend ou tout ou partie de son armée? La reddition est-elle un acte politique qui engage la nation toute entière, ou simplement un acte militaire imposé à une fraction de l'armée du fait de sa défaite sur une partie du champ de bataille?
    Bismarck accourt donc en personne auprès de l'illustre prisonnier, pour recueillir de sa bouche la réponse à cette question fatidique. Leur tête-à-tête a lieu le 2 septembre.
    Bismarck propose à Louis Napoléon de négocier. Lui-même y a tout intérêt. Il a gagné. D'ores et déjà, il sait que ses buts de guerre sont atteints. A l'intérieur de ce qui va devenir l'Allemagne, la victoire remportée en commun donne un coup d'accélérateur puissant et décisif au processus d'unification. Et le succès prussien ne peut que se traduire par des gains territoriaux sur la France.

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