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Louis Napoléon le Grand

Louis Napoléon le Grand

Titel: Louis Napoléon le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Séguin
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réservé à l'impératrice.
    Le voilà bientôt à Cassel, pratiquement à destination. Les Allemands sont corrects, comme à l'habitude: le roi n'a-t-il pas recommandé, par télégramme, « tous égards de la part des autorités et une attitude convenable du public » ?
    Malgré une pluie violente, une foule assez nombreuse stationnait aux abords de la gare. Le général-comte de Monts — il aura fallu que le gouverneur de la ville soit d'origine française ! — est là pour l'attendre, accompagné de hauts fonctionnaires et de hussards. Une compagnie d'infanterie rend les honneurs. Louis Napoléon salue. Il monte en voiture, pour se rendre au château distant de six kilomètres. Sait-il, l'ex-empereur, que le fils unique du général-comte de Monts est tombé au champ d'honneur à Saint-Privat sous les balles françaises?
    Au château, les premiers jours sont terribles. Il est sans nouvelles d'Eugénie et de son fils et il est en droit d'imaginer le pire. Comme si le destin voulait l'accabler encore, voilà qu'il découvre dans un salon un grand portrait de sa mère, devant lequel il s'abîme en méditations. Lui-même se souvient peut-être qu'il a gambadé en culotte courte, dans ce palais, à quatre ans, lorsqu'il séjournait chez son oncle.
    Le 16 septembre arrive enfin la lettre, tant attendue, d'Eugénie lui apprenant qu'elle se trouve avec leur fils en Angleterre. Ils sont sains et saufs. Il en éprouve un immense soulagement accompagné d'un regain d'affection pour cette femme et ce fils qui sont tout ce qui lui reste. Eugénie, installée dans un hôtel d'Hastings, ne tarde pas à connaître ses souhaits ; ils sont simples car il semble ne plus aspirer qu'au repos:
    « Lorsque je serai libre, je voudrais aller vivre avec toi et Louis dans un petit cottage avec des bow-windows et des plantes grimpantes. Je me suis amusé à faire un budget qui correspondrait à ce que nous pourrions avoir de revenus, je te l'envoie... »
    Son sens pratique, décidément, prend toujours le dessus. C'est dans le même esprit qu'il organise sa vie : une vie de prisonnier.
    Guillaume I er avait tenu à ce qu'il soit bien traité. Il le fut, encore que sans grâce excessive, pendant les cent quatre-vingt-quinze jours qu'allait durer sa captivité à Wilhelmshôhe : les Allemands qui le gardaient étaient, il est vrai, persuadés qu'il avait voulu la guerre et qu'il était responsable de la mort des leurs. Son état de santé s'est amélioré. Dans l'appartement de six pièces qui aété mis à sa disposition, il se repose, il lit, il écrit, il fait des patiences. Les journées sont longues, même s'il a toute liberté pour recevoir.
    Il a refusé que l'impératrice vienne partager son sort. Pour d'autres raisons, il n'a pas voulu voir Napoléon Jérôme. En revanche, il a demandé au grand quartier général allemand que les maréchaux prisonniers puissent le rejoindre : Canrobert, Bazaine, Leboeuf viendront ainsi auprès de lui. Par ailleurs, il reçoit la visite quasi quotidienne d'une personnalité allemande, Mels-Cohn, qui vient recueillir ses confidences. Il faut croire que Louis Napoléon n'a rien perdu de sa force de séduction : le texte résultant de ces entretiens sera en fait un véritable plaidoyer bonapartiste.
    Bientôt la politique doit reprendre ses droits.
    Bismarck a gardé deux fers au feu. Il a deux interlocuteurs possibles pour négocier. Il est prêt à aller au plus offrant pour peu qu'on lui offre des garanties : le nouveau gouvernement en place à Paris ou l'Empire — on verrait bien le moment venu, dans ce dernier cas, si ce serait avec l'empereur, l'impératrice ou quelque mandataire qu'il faudrait discuter et traiter.
    Louis Napoléon n'avait plus les mêmes raisons qu'à Sedan de se montrer intraitable : le gouvernement de Paris ne repose sur aucune base légitime. Les hommes du 4-Septembre ne peuvent se réclamer de la moindre approbation populaire, alors que lui-même reste auréolé du succès du plébiscite.
    De surcroît, Louis Napoléon est convaincu que le coup d'État a pour origine un complot (et une trahison) de Trochu. Convaincu aussi que la situation va évoluer : « Des choses terribles se passeront en France, on les réprimera, on les punira, mais on n'en détruira pas les racines. »
    Dans son entourage, on le presse, on le conjure de traiter. Il répond fièrement : « Tant que le sort de Paris n'aura pas été décidé, il ne faut rien dire ni faire qui aurait l'air de nuire

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