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Louis Napoléon le Grand

Louis Napoléon le Grand

Titel: Louis Napoléon le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Séguin
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    De fait, sa grande originalité, qui le distingue de nombre de ses contemporains, c'est qu'il ne limite pas sa réflexion politique à la forme du gouvernement et aux conditions de son exercice. Il introduit dans sa pensée une dimension économique et sociale qui fait souvent défaut chez d'autres que lui.
    S'il a sa conception de l'organisation politique souhaitable pour la France, il s'interroge aussi sur les buts qu'elle doit se proposer d'atteindre, alors que tant de ses partisans et adversaires considèrent le débat sur la nature du régime comme une sorte de fin en soi.
    Les républicains, par la voix de Jules Favre, n'ont-ils pas expressément prétendu que la question sociale n'existait pas? Il est vrai que lui-même ne la découvrira que progressivement, encore que, dès 1833, il ait écrit que le «bonheur commun » passait par la reconnaissance des droits de l'homme, auxquels il ajoutait déjà le droit à l'aide sociale et à la garantie du travail. L'important est qu'il en fera l'objectif central de toute son action.
    Peut-être a-t-il été servi par les circonstances, même si celles-ci ont paru de prime abord lui avoir été contraires. L'aventurier qui se lance dans l'équipée de Strasbourg n'a pas encore de réponse cohérente à apporter aux problèmes du pays qu'il veut gouverner. Louis-Philippe, en l'obligeant à quitter le continent et à ouvrir les yeux sur d'autres réalités, puis en lui imposant après l'opération avortée de Boulogne de longues années d'emprisonnement — qu'il saura mettre à profit — lui rendra, sans le savoir, un fier coup de main. L'évadé de Ham est intellectuellement prêt au pouvoir; il ne lui restera plus qu'à attendre l'occasion propice.
    C'est dire que, pour Louis Napoléon, la genèse de sa doctrine se situe dans cette période d'intense agitation. Ces tentatives avortées, loin de l'avoir desservi, ont été autant d'occasions de former un homme politique et de préparer un empereur.
    ***
    Tout ou presque, s'agissant de la pensée politique de Louis Napoléon, est contenu dans les Rêveries politiques, qu'il rédige en 1833, à l'âge de vingt-cinq ans.
    C'est une oeuvre de jeunesse, du type de celles qu'on traite souvent avec une sympathie condescendante, mais elle ne manque pas d'intérêt. L'âme y est à nu et, au-delà des maladresses d'expression, on y découvre des principes qui ne subiront plus de changement.
    La publication, l'année suivante, de ses Considérations politiques et militaires sur la Suisse lui offre l'occasion d'approfondir certaines de ses thèses. Puis vient un autre ouvrage capital, les Idées napoléoniennes, où sa pensée se complète, s'éclaire et s'élargit: publié en 1839, ce livre sera réédité trois fois et traduit en six langues. S'il est souvent considéré comme l'oeuvre politique maîtresse de Louis Napoléon, il ne contredit en rien les Rêveries, lesquelles gardent l'avantage de la fraîcheur et de la spontanéité.
    On peut donc s'efforcer de comprendre la pensée politique de Louis Napoléon à partir d'un rapprochement de ces deux textes, en les reliant à d'autres fragments, en particulier ceux qu'on trouve dans maints passages de sa correspondance, où il se montre fort prolixe, et qui éclairent souvent ce qui a pu paraître ailleurs quelque peu obscur.
    Louis Napoléon y conduit parallèlement l'étude du passé et la recherche de propositions: l'une et l'autre procèdent d'une même analyse et révèlent la continuité de sa pensée.
    L'essentiel de sa conviction se résume en une adhésion, totale et viscérale, à deux principes indissolublement liés, à ses yeux: le suffrage universel et l'intérêt national.
    Le suffrage universel implique que le peuple est le moyen et la fin : le peuple s'exprime et choisit; et la politique ne peut avoir d'autre objet que de le servir avec la plus grande efficacité possible. De son côté, l'intérêt national implique le dépassement des partis et appelle un gouvernement d'autorité. L'expérience récente aurait-elle démontré qu'il y a un risque de conflit entre ces deux principes dont l'un conduit à la république, et l'autre à la monarchie? Dans une lettre qu'il adresse depuis Arenenberg à Narcisse Vieillard, le 29 janvier 1836, Louis Napoléon ne reconnaît qu'implicitement cette contradiction. Le texte vaut d'être lu car sa densité s'allie à une sorte de charme bucolique.
    « ... Je considère le peuple comme un propriétaire et les

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