Louis Napoléon le Grand
Persigny. Sa rencontre avec Louis Napoléon va compter dans leur vie à tous deux.
Il est difficile de dire s'ils se rencontrèrent par hasard ou par le truchement de Joseph, qui cherchait à se débarrasser de l'un et à s'éloigner de l'autre.
Ce qui est certain, c'est que Victor Fialin, dit de Persigny, faux comte, futur duc, est un vrai bonapartiste, un authentiquemilitant. Il a la foi. Il est convaincu. Peut-être plus encore que le prince lui-même. Corps et âme, il va se mettre au service de Louis Napoléon, qui parfois le traitera sans ménagement, lui préférant d'autres proches, souvent plus brillants et plus utiles que lui, mais jamais aussi loyaux et sincères.
Persigny cherchait à servir. C'était d'ailleurs sa devise. Il unira sa destinée au seul des Bonaparte qui lui paraissait avoir le sens de sa mission. Persigny n'a alors que vingt-sept ans. C'est peu dire qu'il a eu une jeunesse agitée. Il s'est engagé à dix-sept ans, s'est retrouvé maréchal des logis à vingt-trois. On l'a vite jugé trop républicain pour devenir un bon officier de la monarchie de Juillet: limogé, il a commencé une carrière de journaliste, ou plus précisément de militant bonapartiste, mais n'avait jusque-là jamais entendu parler du prince.
Après leur rencontre, son choix est fait. Ce sera Louis Napoléon qu'il servira. Et il sera, selon ses propres termes, le « Loyola de l'Empire ». Devant son suzerain, il avait, selon ses propres dires, « une franchise brutale, dont il ne lui était pas toujours facile de contenir l'expression et qui lui avait été bien nuisible au cours de sa vie ».
Malgré ses manières brusques, son caractère difficile et son impulsivité, Persigny sera l'un des principaux compagnons de Louis Napoléon, peut-être le plus proche de tous, car il partagera son sort pour le meilleur et le pire: il sera à Strasbourg, le suivra en Angleterre, participera au coup de Boulogne et sera emprisonné. On le retrouvera près de lui lors de la campagne présidentielle, puis à l'Élysée, et, après le coup d'État, au Comité de rédaction de la Constitution. Ministre de l'Intérieur en février 1852, il préparera les élections et le deuxième plébiscite, mettant en place le personnel préfectoral et brusquant l'avènement de l'Empire. Ambassadeur à Londres, et de nouveau ministre, il sera sacrifié en 1863, victime de l'hostilité de l'impératrice. Mais dans sa disgrâce dorée, il continuera à servir l'empereur et à lui témoigner une fidélité qui aura été, littéralement, à toute épreuve.
Ce qui est sûr, c'est que c'est lui qui décidera Louis Napoléon à passer à l'acte. Mais pour ce faire, encore fallait-il que celui-ci soit reconnu. Ce ne fut pas chose aisée...
C'est en 1832 que s'était propagée la nouvelle de la mort du duc de Reichstadt, survenue le 22 juillet à Schönbrunn. Dans les milieux bonapartistes, cette mort causa une grande émotion, enmême temps qu'elle inspira un certain soulagement... Si l'on ne craignait d'être cruel en rappelant le mot qui échappa à Claude Cheysson à l'annonce de l'attentat réussi contre le premier Égyptien Anouar el-Sadate, on serait tenté de dire que la mort du fils de Napoléon I er « levait une hypothèque ». La cause bonapartiste avait besoin sinon d'un chef, du moins d'un prétendant. Or le duc de Reichstadt, c'était clair aux yeux de tous, ne pouvait être ni l'un ni l'autre. Mais il était non moins clair qu'aussi longtemps qu'il vivait nul ne pouvait l'être à sa place.
Reste désormais à savoir qui va le remplacer. On ne se presse guère pour reprendre le flambeau. « Ambès » a fort joliment résumé la situation: « Jérôme restait un pacifique tranquille, Louis Bonaparte, un arthritique littéraire, Joseph, revenu d'Amérique, un Montesquieu voyageur, Lucien un lettré débonnaire. Tous oubliaient les heures de gloire ancienne. Le prince, lui, se préparait par l'étude au grand rôle qu'il voulait tenir. »
Louis Napoléon s'en était ouvert à sa mère en 1834: « Comment les Français se souviendraient-ils de nous, quand nous-mêmes, nous avons tâché pendant quinze ans de nous faire oublier! Quand, pendant quinze ans, le seul mobile de tous les membres de ma famille a été la peur de se compromettre et qu'ils ont évité toute occasion de se montrer, tout moyen de se rappeler publiquement au souvenir du peuple. »
Du coup, lui-même s'est donné une tout autre règle: « Il me semble que notre but
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