Louis Napoléon le Grand
jour pourra venir où je mettrai à exécution les intentions de mon oncle et que j'unirai les intérêts et la politique de l'Angleterre et de la France — et cela dans une alliance indissoluble. Cet espoir me réjouit et m'encourage [...]. »
***
La décision de tenter une deuxième fois sa chance sur le sol français paraît avoir été prise par Louis Napoléon au début de l'année 1840.
Il pensa d'abord à organiser le coup à Lille, dont la place était commandée par le général Magnan, qui passait pour un sympathisant. Mais les travaux d'approche entrepris par un comparse furent plus que maladroits: invité, littéralement, à se vendre, le général eut un haut-le-corps, se récria, se récusa et il fallut chercher ailleurs...
On se rabattit sur Boulogne, qui présentait quelques avantages: l'isolement, relatif, de la ville permettait de gagner le temps nécessaire pour un investissement en bonne et due forme ; on disposait, au 42 e de ligne, d'un correspondant, en la personned'un lieutenant, un certain Aladenize; enfin, pouvait passer pour symbolique le choix d'une ville où avait été érigée une colonne à la gloire de la Grande Armée. Le symbole, il est vrai, n'était pas du meilleur aloi, et le fait que Boulogne avait été le théâtre d'une grande tentative napoléonienne avortée aurait pu paraître de fort mauvais augure.
La stratégie retenue était la même qu'à Strasbourg. Et tout aussi simpliste: on entraînait d'abord la garnison, puis on se ruait vers Lille et, de là, on marchait sur Paris.
Les préparatifs allèrent bon train, plusieurs semaines durant. On acheta uniformes et fusils. Et l'on rédigea les indispensables proclamations, l'une destinée aux soldats qu'il s'agissait de soulever, l'autre aux habitants du Pas-de-Calais, la dernière à l'intention du peuple de France: « Je ne m'arrêterai, assurait le prince, que lorsque j'aurai repris l'épée d'Austerlitz, remis les aigles sur nos drapeaux et le peuple dans ses droits. »
Pour faire bonne mesure, un décret était prêt, qui abolissait la dynastie; Thiers — qui n'en pouvait mais — était désigné comme président du Gouvernement provisoire, et la tenue prochaine d'un Congrès national était annoncée.
Une petite soixantaine d'hommes devait participer à l'expédition, dont certains étaient déjà des habitués: Parquin, Persigny, Lombard et Thélin, qui avaient été présents à Strasbourg. Parmi les nouveaux venus, on trouvait Montholon et Orsi, le premier faisant référence au passé impérial et l'autre représentant la récente équipe qui se constituait progressivement autour de Louis Napoléon.
Tout ce petit monde était-il bien averti de ce qu'il allait faire à Boulogne? A dire vrai, on n'en sait trop rien, et bien des indices donnent à penser que non. A l'évidence il était de l'intérêt des conjurés, au cours de leurs interrogatoires ultérieurs, de feindre l'ignorance, mais il est bien possible que, par précaution, beaucoup d'entre eux n'aient pas été mis dans la confidence.
En juillet, à Londres, on loua un bateau, l 'Edinburgh-Castle. A partir du 3 août, on entreprit d'embarquer les divers participants, de port en port, pour éviter d'éveiller l'attention. Et dès le 6 août, à l'aube, on débarqua.
Il fallut à peine trois heures pour que l'opération tourne au désastre. Non seulement la préparation avait été insuffisante et la chaleur de l'accueil surestimée, mais les bourdes se succédèrent encascade: on laissa filer les douaniers qui avaient surpris le débarquement; on ne parvint pas à convaincre les premiers voltigeurs qu'on croisa sur la route; on ne fit rien, une fois à la caserne, pour dissiper l'impression de confusion.
Enfin tout le monde ou presque se retrouva sur la plage; une fusillade éclata et, pour comble d'infortune, le canot sur lequel on avait rembarqué chavira.
Un mort et quarante-sept prisonniers — dont le prince, trempé jusqu'aux os —, c'était vraiment un triste bilan.
Le lendemain, le Moniteur publiait un communiqué officiel qui résumait en termes cruels la dérisoire épopée: « Le territoire français a été violé par une bande d'aventuriers. Repoussés dans les flots qui venaient de les vomir, Louis Napoléon et tous ses adhérents ont été pris, tués ou noyés. »
C'est peu dire que parler d'un déchaînement de la presse, alors, contre Louis Napoléon.
Jamais sans doute, celui-ci n'éprouva aussi fort le sentiment
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