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Louis Napoléon le Grand

Louis Napoléon le Grand

Titel: Louis Napoléon le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Séguin
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I er et de leur dépôt aux Invalides. Loin de la cérémonie — et pour cause ! — il se sent évidemment seul, mais d'autant plus seul que ses ennemis paraissent avoir ainsi récupéré pour leur cause l'argument qui faisait sa force.
    Cela lui inspire quelques belles pages, émouvantes, encore qu'on puisse les trouver un peu grandiloquentes:
    « Sire, vous revenez dans votre capitale et le peuple en foule salue votre retour; mais moi, du fond de mon cachot, je ne puis apercevoir qu'un rayon du soleil qui éclaire vos funérailles ! N'en veuillez pas à votre famille de ce qu'elle n'est pas là pour vous recevoir ; votre exil et vos malheurs ont cessé avec votre vie; mais les nôtres durent toujours !
    « [...] Sire, le 15 décembre est un grand jour pour la France et pour moi.
    « Au milieu de votre somptueux cortège, dédaignant certains hommages, vous avez un instant jeté vos regards sur ma sombre demeure et, vous souvenant des caresses que vous prodiguiez à mon enfance, vous m'avez dit: Tu souffres pour moi, ami, je suis content de toi! »
    Mais, une fois de plus, il se ressaisit vite, décidé qu'il est à tirer parti des circonstances, aussi défavorables soient-elles. Privé d'autre choix, il va travailler, et travailler encore... Après tout, comme il le dit avec philosophie : « Plus le corps est étroitement resserré, plus l'esprit est disposé à se lancer dans les espaces imaginaires et à agiter la possibilité d'exécution de projets auxquels une existence plus active ne lui aurait peut-être pas laissé le loisir de songer? »
    Et, de fait, son esprit va se lancer, dans tous les azimuts. Avec un appétit qui tient de la voracité.
    Discuter et correspondre, lire, écrire, voilà son triple programme.
    Il reçoit. Et des gens fort divers: cela va de Louis Blanc à la duchesse d'Hamilton et à Mrs Crawford, de Chateaubriand etDumas à sir Robert Peel et lord Malmesbury, de son avocat Berryer à Éléonore Brault devenue Éléonore Gordon. Il entretient une correspondance fort abondante et de haut niveau. Tout pour lui est prétexte à élargir ses connaissances et approfondir son expérience.
    Considérée avec quelque recul, la rencontre avec Louis Blanc, à la fin de 1840, ne manque pas de sel. Frappés par le cousinage de leurs théories, les deux hommes ont eu le même désir de se rencontrer, la même curiosité réciproque. Ils vont pouvoir mesurer ce qui les rapproche et ce qui les oppose, s'affrontant sans ménagement sur le principe héréditaire, mais ne pouvant que constater des convergences dans le domaine social. C'est Louis Napoléon qui conclut: « L'important, c'est que le gouvernement, quelle que soit sa forme, s'occupe du bonheur du peuple. »
    Ham, pour reprendre sa propre expression, sera vraiment son université.
    Un personnage va jouer un rôle décisif tout au long de cette période, et en quelque sorte la symboliser. Un personnage qui aura mis Louis Napoléon sur l'orbite de l'étude, de la recherche, et de la réflexion.
    Il s'agit d'Hortense Cornu, née Lacroix, que nous avons déjà croisée, dont la mère était la femme de chambre de la reine Hortense, et qui avait été la camarade de jeux de Louis Napoléon à Arenenberg.
    Elle fut une des rares personnes à lui rendre visite à la Conciergerie, quand il y avait été détenu, après Boulogne. Elle bénéficia en toutes circonstances de sa totale confiance... C'est chez elle que se rendra Éléonore Vergeot, dite Alexandrine, qui fit deux enfants au prince, pendant son emprisonnement à Ham.
    Elle manifeste à Louis Napoléon une réelle affection et une vraie fidélité, disposant sur lui, en retour, d'une incontestable autorité. Leurs rapports semblent être restés toujours platoniques. D'ailleurs Hortense s'était mariée à un peintre, Sébastien Cornu. Dans une lettre qu'il lui adresse, le 29 août 1842, Louis Napoléon trouve ces mots pour décrire l'originalité de leurs liens:
    « Je voudrais que vous fussiez un homme! Vous comprenez si bien les choses et, sauf quelques détails, je pense comme vous. Cependant, je trouve que vous êtes très bien telle que vous êtes et ce serait dommage de changer; nos relations y perdraient de leur charme, car le sentiment que j'ai pour vous vaut mieux quel'amour, il est plus durable; il vaut mieux que l'amitié, il est plus tendre. »
    Hortense Cornu et son époux vont à sept reprises séjourner au fort. Chacune de ces visites est un événement, car Hortense apporte

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