Louis Napoléon le Grand
au prince des livres qu'il lui a demandés et le résultat de diverses recherches qu'elle a entreprises à son instigation. C'est elle qui lui fera rencontrer Fouquier d'Hérouël, ce riche fabricant de sucre qui l'orienta dans la voie de l'économie politique et fut son commanditaire. C'est elle aussi qui l'encouragea à se replonger dans l'histoire. Elle est à la fois sa correspondante et sa collaboratrice, ne ménageant ni son temps ni sa santé, santé dont s'enquiert souvent Louis Napoléon avec une attention touchante.
Hortense Cornu lui rendit maints autres menus services, tels que la remise de messages à diverses personnalités ou la vente d'objets destinée à lui procurer de l'argent... Comme l'écrit Marcel Emerit dans l'étude qu'il lui a consacrée: « Il est rare de trouver dans l'histoire l'exemple d'un dévouement si absolu, si prolongé, si désintéressé. Le Prince en garda l'attendrissant souvenir toute sa vie. »
Pour autant, Hortense Cornu est un caractère... Élevée dans le giron bonapartiste, elle avait adhéré aux idées républicaines. Elle était une proche de Cavaignac et ne le cacha jamais à Louis Napoléon. Ses convictions la poussèrent à rompre avec le prince au lendemain du coup d'État qu'elle avait désapprouvé. Dans les années 60, cependant, elle renoua avec lui, au fur et à mesure que l'Empire se libéralisait. Elle fut, après la chute, de ses tout derniers fidèles et lui écrivit dans sa retraite de Chislehurst.
Il arrive qu'on rencontre parfois, au hasard d'une lecture, d'une recherche, d'un entretien, un personnage dont on pressent vite qu'il atteint aux limites de l'exception et du sublime. Hortense Cornu appartient à cette catégorie. La force de ses convictions, la pureté de son caractère, la fidélité de sa conduite, la noblesse de ses sentiments, tout la distingue... De telles personnalités irradient, illuminent une époque. Ce fut la chance de Louis Napoléon de la rencontrer; ce fut son honneur de lui avoir inspiré un tel dévouement.
Avec un tel soutien, peu de domaines vont pouvoir échapper à la curiosité quasi infinie de Louis Napoléon, au point qu'on aurait parfois l'impression qu'il se disperse. Son éclectisme force l'admiration.
Après un poème lyrique dédié Aux mânes de l'Empereur, il rédige une note sur les Amorces fulminantes et les Attelages qui complète son Manuel d'artillerie; puis vient une brochure sur l'électricité, sujet dont il a une connaissance pratique car, à ses rares moments perdus, il s'adonne à la construction de machines électriques, ainsi d'ailleurs qu'à des expériences de chimie ou à des travaux d'ébénisterie...
En 1841, le voilà aux prises avec des Fragments historiques, où il exalte le rôle de Guillaume II d'Orange, roi d'Angleterre, auteur d'une Déclaration des droits qui, selon lui, plaçait ce souverain à la tête des idées de son siècle.
En 1846, il met en chantier un Traité portant sur l'opportunité et les modalités de la construction d'un canal au Nicaragua, qui assurerait la jonction des océans Atlantique et Pacifique.
Entre-temps, il aura pu mener à bien son mémoire sur la Question des sucres, ouvrage solidement charpenté, dans lequel il montre sa capacité à s'élever au-dessus de simples problèmes techniques: partant du constat de la situation de l'industrie du sucre, il conclut et démontre: « En France, il n'y a pas d'unité, de main qui dirige, pas de méthode. »
C'est là aussi que se situe une Réponse à Monsieur de Lamartine, Lamartine dont il avait peu apprécié certaines charges contre le Consulat et l'Empire. S'y ajoute un texte sur le Clergé et l'État qui révèle chez cet homme — dont la captivité a pourtant ranimé et affermi la foi — une profonde aversion pour un catholicisme politique auquel, tout au long de ses années de pouvoir, il sera néanmoins amené à faire bien des concessions: « Les ministres de la Religion en France sont, en général, opposés aux doctrines démocratiques; leur permettre d'élever sans contrôle des écoles, c'est leur permettre d'enseigner au peuple la haine de la révolution et de la liberté. »
On imagine, devant cet exposé de sa pensée, ce que durent être ses sentiments quand, plus tard, il lui fallut laisser voter la loi Falloux dont l'objet était si évidemment à l'opposé de ses intimes convictions.
Pour l'heure, l'activité de Louis Napoléon prend aussi la forme de multiples articles qu'il adresse
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