Louis Napoléon le Grand
lignes remarquablement écrites, il pose le principe d'une véritable politique des revenus.
« Le prélèvement de l'impôt peut se comparer à l'action du soleil qui absorbe les vapeurs de la terre pour les répartir ensuite, à l'état de pluie, sur tous les lieux qui ont besoin d'eau pour être fécondés et pour produire. Lorsque cette restitution s'opère régulièrement, la fertilité s'ensuit, mais lorsque le ciel, dans sa colère, déverse partiellement en orages, en trombes et en tempêtes, les vapeurs absorbées, les germes de production sont détruits et il en résulte la stérilité... C'est toujours la même quantité d'eau qui a été prise et rendue. La répartition seule fait donc la différence. Équitable et régulière, elle crée l'abondance; prodigue et partielle, elle amène la disette.
« Il en est de même d'une bonne ou mauvaise administration. Si les sommes prélevées chaque année sur la généralité des habitants sont employées à des usages improductifs, comme à créer des places inutiles, à élever des monuments stériles, à entretenir au milieu d'une paix profonde, une armée plus dispendieuse que celle qui vainquit à Austerlitz, l'impôt, dans ce cas,devient un fardeau écrasant, il épuise le pays, il prend sans rendre... C'est dans le budget qu'il faut trouver le premier point d'appui de tout système, qui a pour but le soulagement de la classe ouvrière. »
Le point de savoir si Louis Napoléon se situe bien, comme nous l'avons dit, dans le lignage des premiers socialistes français, prête à discussion. Germain Bapst n'en doute pas, qui le considère comme un socialiste avant l'heure, un socialiste dont la source d'inspiration est d'ordre sentimental et philanthropique.
Adrien Dansette, tout en lui rendant justice, est beaucoup moins affirmatif. Dans la revue de l'Institut Napoléon, il a présenté sa façon de voir:
« Ce qui est intéressant pour nous dans ce projet, c'est moins les parcelles d'avenir qu'on peut y trouver (les colonies agricoles de l'Extinction du paupérisme n'apparaissent-elles pas comme une ébauche des kibboutz israéliens d'aujourd'hui, et leurs prud'hommes comme les ancêtres de nos délégués d'entreprise?) que ce qu'elles révèlent des tendances sociales du futur empereur.
« D'abord son projet n'est ni socialiste, ni révolutionnaire. Il n'est pas socialiste puisqu'il laisse subsister l'économie capitaliste, l'économie du profit, non seulement dans l'ensemble de la société, mais au sein même des colonies agricoles. Il n'est pas révolutionnaire, puisqu'il n'est pas le fruit d'un bouleversement brutal, mais d'une réforme progressive. Il est démocratique puisqu'il fait appel au suffrage universel. Il est aussi étatiste et militaire par le caractère de l'organisation qu'il prévoit. »
Notons, une fois encore, que les analogies avec la pensée de Charles de Gaulle sont évidentes. Francis Choisel les a remarquablement mises en relief: « Les principes économiques et les idées sociales du bonapartisme et du gaullisme ne leur sont guère propres. Empruntés au libéralisme ou au socialisme saint-simonien et au catholicisme social et libéral, ou les rejoignant, ils se combinent malgré tout en un ensemble original tel qu'il ne se confond avec aucun autre projet économique et social. Du libéralisme, ils se distinguent par leur souci de l'épanouissement de l'homme et du bien-être matériel des plus faibles; du socialisme, ils rejettent l'omnipotence de l'État et l'irréalisme de bien des solutions; du saint-simonisme, ils se séparent par la préoccupation nationale et le refus de voir en l'économie le seul objet d'un gouvernement; du catholicisme social, ils retranchent la référence explicite à l'Évangile et le paternalisme charitable et clérical. »
On retrouve ainsi, à un siècle de distance, une même critique à l'égard de la société industrielle et du capitalisme libéral, et un même rejet du socialisme; une commune mystique du rôle économique de l'État, qui n'exclut pas l'adhésion à l'idéal du libre-échange; une même exigence de progrès social et une même volonté de mettre un terme à l'affrontement entre patrons et ouvriers.
Comment s'en étonner, dès lors que l'économie n'est pour les deux hommes qu'un moyen à mettre au service de la France? Chacun d'eux, si séparés qu'ils soient dans le temps, exprime à ce sujet la même chose.
Que dit Charles de Gaulle à Michel Droit et aux
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