Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Louis Napoléon le Grand

Louis Napoléon le Grand

Titel: Louis Napoléon le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Séguin
Vom Netzwerk:
borna, dit-on, à ramener un jour un ivrogne au poste de police le plus proche.
    Il ne faut pas se laisser tromper par cette ultime fantaisie. L'homme a mûri. Il a changé, même si cela n'a pas été perceptible de grand monde. Il est prêt pour sa destinée. Ce n'est plus le rêveur idéaliste, le conspirateur romantique, l'activiste maladroit; c'est à présent un politique, dont la profondeur de vues, le sens tactique, l'énergie vont bientôt se révéler d'autant plus irrésistibles qu'ils demeurent insoupçonnés.
    Ainsi est-on frappé par la lucidité de son analyse de la situation, lorsqu'il jette, à l'époque, les fondements d'une ligne de conduite dont, désormais, il ne va plus se départir.
    « Après les affaires de Strasbourg et de Boulogne, la classe pauvre et républicaine m'a témoigné de la sympathie, la classe riche et monarchiste m'a représenté comme un prétendant risible. Or, la République a changé vis-à-vis de moi non pas les opinions mais les intérêts des deux classes. Les Républicains, n'ayant plus besoin de moi, sont devenus mes ennemis, tout en m'estimant, et les autres sont devenus mes amis tout en doutant de mes chanceset de mes capacités. C'est le temps seul qui peut changer cette situation [...]. D'ici là, toute tentative serait nulle et impuissante. Si je restais, de mon gré, en pays étranger, cela pourrait me nuire, mais comme heureusement le Gouvernement provisoire m'y a forcé, je peux me donner l'air de m'être dévoué à la tranquillité publique et attendre le moment de paraître. »
    Tactiquement sa position est excellente. Mais le début du texte doit aussi attirer l'attention. Il décrit pour la première fois un paradoxe qu'en dépit de ses espoirs le temps ne fera pas disparaître : Louis Napoléon devra se résigner à mettre en oeuvre, seul, des idées que partagent parfois ses adversaires, avec le soutien plus que parcimonieux d'amis qui ne les approuvent que du bout des lèvres.
    Pour l'heure, ses partisans restés en France tentent de se regrouper et de s'organiser. Persigny se démène, même s'il a regretté la décision de son chef et s'il est tenté parfois, par réaction, de jouer les républicains inconditionnels. On déniche un siège rue d'Hauteville, où se retrouvent Ferrère, Piat, Vieillard, Chabrier. Une secte, dira-t-on, plus qu'un parti... Louis Napoléon est en relation permanente avec cette petite équipe, et s'active. Il se procure de l'argent, prépare des proclamations au peuple, à l'armée, à certaines villes, mais se garde bien de bouger. Il sent confusément que si l'heure n'est pas venue, le temps travaille pour lui...
    Il l'écrira à Vieillard : « Tant que la Société française ne sera pas rassise, tant que la Constitution ne sera pas fixée, je sais que ma position en France sera très difficile et même très dangereuse pour moi. »
    Il décide de ne pas se présenter aux élections d'avril qui vont marquer le triomphe de la bourgeoisie attachée à l'ordre et à la propriété. Trois Bonaparte sont élus: Napoléon Jérôme, le cousin, compagnon de ses bordées anglaises; Pierre Bonaparte, fils de Lucien; et Lucien Murat. Ils siègent — signe des temps — à l'extrême gauche. En revanche, Persigny et Vaudrey sont battus. Morale de l'histoire : les grands noms semblent faire plus recette que les idées.
    Le pouls de l'opinion ayant ainsi été pris indirectement, Louis Napoléon décide de se porter candidat aux élections qui vont suivre pour compléter la Chambre, le système des candidatures multiples, qu'autorise le code électoral de l'époque, aboutissant àlaisser vacants un certain nombre de postes qu'il convient de pourvoir.
    Ses moyens de propagande sont modestes : il investit relativement peu d'argent et, ne disposant d'aucun appui dans la presse, ses partisans doivent le plus souvent se contenter d'apposer ici et là de petites affiches manuscrites. Le fait qu'il dirige sa campagne de Londres paraît enlever encore à ses chances de succès.
    Et pourtant, le 4 juin, il est élu dans quatre départements: l'Yonne, la Charente-Inférieure, la Corse, et surtout Paris, où il se retrouve cinquième dans l'ordre des suffrages après des concurrents de choix: Caussidière, Changarnier, Thiers et Victor Hugo.
    C'est peu dire que la nouvelle fait sensation. L'électorat de Louis Napoléon s'est recruté pour une bonne part à gauche. Le journal le Constitutionnel ne s'y trompe pas, qui dénonce les « condottieri

Weitere Kostenlose Bücher