Louis Napoléon le Grand
historique qui devait ouvrir une ère nouvelle ».
Alors, Louis Blanc force la main des indécis: « Le Gouvernementveut la République »... Le gouvernement ne voulait rien du tout... Et pourtant il la proclame, contraint et forcé.
Singulier gouvernement. Adrien Dansette nous explique qu'à ce règne de l'illusion, il fallait un gouvernement de la parole: et il est vrai qu'en fait d'exécutif on avait plutôt une «société de pensée et de propagande ».
***
De la complexité de la situation, Louis Napoléon n'a pas une exacte idée quand il prend connaissance des événements. Pas plus que les autres, il ne les a vus venir. Mais pour inespérée qu'elle soit, une occasion se présente. Alors, il n'hésite pas un seul instant à la saisir pour repartir à l'assaut de son destin. Admirons la ressource de cet homme de quarante ans, qu'on pourrait croire brisé, physiquement et moralement, par de terribles expériences et de longues années de prison. Qui aurait pu lui reprocher de rester à l'écart?
Parfois, d'ailleurs, on a cru discerner chez lui les prémices d'un renoncement. « Ham est mon poison, confiait-il à Londres. Il m'a presque tué. » Il a même envisagé sérieusement de se lancer dans le commerce, et d'importer en Angleterre les produits de la vigne que lui a léguée son père. Le projet n'est pas allé à son terme. On l'a échappé belle! Aurait-on imaginé que, transformé en négociant en vins, il fût encore prétendant?
Le voilà donc qui repart au combat. Mais, cette fois, avec des armes radicalement nouvelles.
Peut-être se souvient-il des conseils d'Alexandre Dumas? Celui-ci ne s'était pas contenté de prévenir Hortense et la petite cour d'Arenenberg contre les aveuglements et les emballements de l'exil. Il avait aussi cherché à indiquer la seule voie ouverte, à son sens, pour une hypothétique reconquête du pouvoir. A l'intention du prétendant, il avait tracé le chemin, lui recommandant « d'obtenir la radiation de son exil, d'acheter une terre en France, de se faire élire député, de tâcher par son talent de disposer de la majorité de la Chambre et de s'en servir pour déposer Louis-Philippe et se faire élire à sa place ».
Sans suivre ces consignes à la lettre, Louis Napoléon va largement s'en inspirer.
Politiquement, le choix de Louis Napoléon est d'une parfaite cohérence. Dès lors que la parole va être donnée au peuple, il se doit de prendre sa part au débat.
La révolution s'est faite sur la réforme électorale. C'est dire que le suffrage universel sera bientôt rétabli. Il sait que c'est sa chance. Son ultime chance, mais aussi la première qui lui soit réellement offerte. Il doit la saisir. De toute façon, puisque ces règles sont celles qu'il a toujours réclamées, il lui faut jouer le jeu.
« J'ai reconnu, rappelle-t-il, le principe de la souveraineté populaire, je m'y soumettrai. Que la France établisse le Gouvernement qui lui conviendra; qu'elle nomme qui bon lui semble comme Empereur ou comme Président [...]. Quoique j'aie des opinions arrêtées sur une forme de Gouvernement, il ne s'ensuit pas que je veuille imposer mes idées à la France. Je veux profiter de l'ascension de mon nom, de la popularité de ma cause, du prestige de mon drapeau pour renverser ce qui existe et pour rétablir un Gouvernement produit de l'élection générale. »
Certes, il pressent que les républicains, apparemment maîtres de la place, sont en train de passer de l'état d'alliés de fait à celui de concurrents et, peut-être même, d'adversaires. Pour l'heure, il est néanmoins possible, et même nécessaire, de faire un bout de chemin avec eux. Dans une lettre d'avril 1839 à Étienne Cabet, qui lui faisait l'hommage de ses propres «réflexions politiques », Louis Napoléon a bien expliqué que cette alliance n'était aucunement exclue:
« Je ne refuse pas leur alliance, mais non à la condition de taire mes principes, mes opinions, ma foi politique [...]. Tant que le peuple ne sera pas remis dans le libre exercice de ses droits, je me conduirai comme je me suis conduit, en rappelant que la dernière application de la souveraineté du peuple a été faite en 1804 [...]. Je dirai toujours que je préfère l'Empire à la République, parce que je préfère Auguste hypocrite, si vous voulez, à Brutus assassin de son bienfaiteur. »
L'émeute n'est pas encore apaisée dans la capitale, la situation loin d'y être stabilisée, que déjà Louis
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