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Louis Napoléon le Grand

Louis Napoléon le Grand

Titel: Louis Napoléon le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Séguin
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l'emportait dans la capitale.
    Alors, à droite, on s'affole, et l'on cherche désespérément une riposte. Cette riposte, en forme de mesure préventive, c'est la loi électorale du 31 mai 1850. Elle marquera, au grand dam de ses inspirateurs, une étape décisive sur le chemin du coup d'État.
    Inspiré par Thiers, qui souhaitait priver du droit de vote la « vile multitude », et préparé par une commission de dix-sept membres, le nouveau texte soumettait l'inscription sur les listes électorales à une condition de durée de présence au même domicile : trois ans, délai qui devait être attesté par l'inscription au rôle de la taxe personnelle ou, à défaut, par une certification du maire. La mesure n'était pas dépourvue d'hypocrisie, puisqu'on affectait de ne pas toucher au suffrage universel ; mais elle était redoutablement efficace: se trouvaient ainsi radiés près de trois millions d'électeurs sur un total inférieur à dix millions. Les ouvriers, principales victimes de la loi, redevenaient ces parias que la révolution de Février avait voulu transformer en citoyens à part entière.
    Louis Napoléon laissa faire. Il avait refusé l'idée d'un coup de force avec les responsables conservateurs, joliment dénommés les Burgraves. Il n'avait pas encore les moyens de le faire contre eux. Tout ce qu'il avait concédé à la gauche lui paraissait suffire pour l'instant. Marx voit une autre explication à son silence : ses besoins d'argent. Son traitement — 1,2 million de francs, en comptant les frais de représentation — s'avérait insuffisant à couvrir ses besoins. Or, prétend Marx, « une longue vie d'aventurier et de vagabond lui avait donné les antennes les plus délicates qui lui permettaient de découvrir les moments faibles où il pouvait tirer de l'argent de ses bourgeois ». De fait, l'Assemblée, lui octroya peu après un supplément exceptionnel d'un peu plus de 2 millions...
    L'analyse de Marx ne peut pour autant être acceptée sans plus ample examen. D'abord parce que la gauche elle-même laissa voter la loi électorale dans une relative indifférence. Surtout,parce qu'avec cette loi Louis Napoléon tenait désormais entre ses mains une arme redoutable : ou bien, pour prix de sa complaisance, les conservateurs lui ouvraient la voie de la révision ; ou bien, s'ils s'y refusaient, il pourrait à tout moment ameuter le peuple au nom du suffrage universel bafoué.
    Or, paradoxalement, c'est à l'heure où il paraît avoir exclu les républicains du circuit légal que le camp des conservateurs se retrouve au bord de l'éclatement. La mort de Louis-Philippe, en août, a donné le signal de négociations entre les mouvements royalistes. Un compromis paraît possible entre les deux branches : le comte de Chambord n'ayant pas d'enfant, rien ne l'empêcherait de régner puis de reconnaître les Orléans comme ses héritiers. Mais Chambord ne veut rien savoir. La déception est grande. La fusion dynastique ayant échoué, la fusion parlementaire s'en trouve inévitablement compromise.
    Louis Napoléon profite de cette situation. Certains légitimistes excédés, certains orléanistes résignés se rallient à sa cause. Le parti de l'Élysée voit grossir ses rangs.
    D'autant que le président a décidé de se tourner toujours davantage vers l'opinion publique et multiplie les voyages en province. Il prend les Français à témoin et prépare le terrain. C'est habile. Plus, en tout cas, que cette demande d'augmentation de sa liste civile à laquelle l'Assemblée n'a que partiellement consenti, après un débat humiliant.
    Si l'Assemblée paraît encore lui résister, il compte sur le pays pour admettre, et même imposer l'idée de la révision. Les conseils généraux sont pressentis pour s'exprimer à ce sujet: déjà cinquante d'entre eux se sont prononcés positivement. Il va apporter la preuve que, dès lors qu'il le lui demande, la nation est prête, elle aussi, à s'y rallier.
    Il faut le suivre dans ses déplacements minutieusement préparés, dont tous les propos sont pesés. Parvenant à s'extraire de ces débats ésotériques réservés à la minorité « éclairée », il revient sans cesse à l'essentiel en termes simples.
    En juillet, il est dans l'Est. De Lyon à Strasbourg, sa tournée semble particulièrement réussie. A Lyon, il parle de la République, en affirmant: « Je ne reconnais à personne le droit de se dire son représentant plus que moi. » Et comme si cela ne

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