Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Louis Napoléon le Grand

Louis Napoléon le Grand

Titel: Louis Napoléon le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Séguin
Vom Netzwerk:
président.
    Elle renvoie aux Français d'alors l'image de leurs divisions et de leurs déchirements. On peut y voir aussi une sorte de préfiguration de bien des épisodes futurs de la vie de Louis Napoléon : la sincérité et la générosité de l'intention, la sagesse qui invite à se plier devant la contrainte des faits, l'habileté à profiter de l'adversité apparente ou des ambiguïtés de la situation, et, en fin de compte, quels qu'aient été les cheminements et les détours, un résultat qui, pour l'essentiel, est bien celui qui était recherché.
    Une chose est claire : en 1849, Louis Napoléon rêve encore à l'indépendance de l'Italie : il n'a ni oublié ni renié le jeune homme qui combattait le pouvoir temporel du pape. Ce qui est sûr aussi, c'est qu'au terme de sa vie Louis Napoléon pourra à bon droit se dire qu'il a apporté une contribution décisive à l'unité italienne. Mais entre-temps, que de méandres!
    A Rome, en novembre 1848, le Premier ministre de Pie IX avait été poignardé par un fanatique et la populace, assiégeant le Quirinal, avait imposé au pape un ministère radical. Très vite, Pie IX dut se résoudre à abandonner la place et se réfugier à Gaète. L'émotion fut si vive à Paris que Cavaignac avait songé à expédier à Rome une troupe de trois mille cinq cents hommes, décommandée in extremis.
    Une fois l'élection présidentielle passée, on a vu les événements se précipiter à nouveau. En février, le révolutionnaire Mazzini arrive à Rome pour prendre la tête du mouvement. En mars, la défaite à Novare de Charles-Albert, roi de Sardaigne, auteur d'une tentative illusoire ou désespérée pour secouer le joug autrichien, pose le problème en termes tout à fait nouveaux. Les Autrichiens victorieux ont désormais le moyen de se trouver à Rome en position d'arbitres. C'est plus que ne peut supporter Paris. On décide donc — le président et le gouvernement étant pour une fois d'accord — d'envoyer à proximité de la Ville éternelle une force d'interposition — formule qui, plus tard, fera fortune et causera d'autres désagréments.
    En réalité l'équivoque et la confusion règnent. Tout le monde en France, ou presque, souhaite bien une intervention, chacun s'accordant à refuser aux Autrichiens le rôle de gendarmes de toute l'Italie. Mais, pour les uns, l'expédition devrait être promazzinienne ; pour les autres, son but consisterait à rétablir le pape dans ses droits. Louis Napoléon se garde bien d'arbitrer entre les deux thèses... Lui-même ne s'est résigné à l'expédition que pour conserver les suffrages des catholiques, qui ont cru discerner en lui... un partisan du pouvoir temporel.
    Alors on va à Rome ou, plus précisément, à Civitavecchia, sans trop savoir ce qu'on y fera. Une fois sur place, on tire parti d'une atteinte à l'« honneur national », c'est-à-dire d'un minime incident, pour bousculer les insurgés, occuper Rome et rendre, de fait, ses Etats au pape.
    C'est que, pendant que les partis en France s'affrontent sur lesort de Rome, Louis Napoléon pense surtout à son propre avenir. Il poursuit un tout autre objectif que celui de régler dès à présent les affaires italiennes: le temps n'en est pas encore venu. C'est pourquoi il va être, dans l'immédiat, le seul bénéficiaire de l'affaire, qui aura exacerbé les passions.
    Comme il faut malgré tout ne pas insulter l'avenir, comme il est prudent de rassurer quelques esprits chagrins — dont l'appoint, un jour, pourrait s'avérer utile —, il va quand même, in fine, donner un coup de barre... à gauche. Les trois cardinaux qui ont repris le pouvoir à Rome y conduisent-ils une politique de réaction? Qu'à cela ne tienne: mettant en oeuvre une technique qui lui sera bientôt habituelle, Louis Napoléon écrit à Edgar Ney, qui participe à l'expédition, une lettre qu'on s'empresse de rendre publique : « La République française n'a pas envoyé une armée à Rome pour étouffer la République romaine mais au contraire pour la régler, en la préservant de ses propres excès. »
    Tout Louis Napoléon est là.
    Inutile de dire que la lettre fait grand bruit. Elle ne satisfait en réalité presque personne. A gauche, on s'obstine à ne rien vouloir comprendre des intentions réelles de Louis Napoléon, tandis qu'à droite on se perd en conjectures sur les raisons qui ont bien pu le pousser à gâcher, par des propos intempestifs, une affaire si joliment

Weitere Kostenlose Bücher