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Louis Napoléon le Grand

Louis Napoléon le Grand

Titel: Louis Napoléon le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Séguin
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chicane, rappelant qu'une trentaine de départements étaient en état de siège. Mais que n'eût-on dit si prétexte en avait été tiré pour reporter ou annuler le plébiscite?
    On a fait valoir aussi que les listes électorales avaient été établies dans la précipitation, ce qui ne pouvait manquer de nuire à leur fiabilité. Cela est vrai, mais était-ce suffisant pour dénaturer le scrutin?
    On a objecté aussi, et surtout, que l'administration avait pesé de tout son poids sur l'expression des suffrages. Il n'est pas exclu qu'elle ait, çà ou là, tenté de le faire. Mais, ne disposer que de quinze jours n'était pas un gage de grande efficacité. Et puis, comment eût-elle été capable d'étouffer un mouvement significatif de réprobation?
    Non, il faut bien se résoudre à admettre que ce qu'a fait Louis Napoléon correspondait au souhait de l'immense majorité des Français. William Smith a très justement rappelé que « si le coup d'État fut un crime, la France fut moins une victime qu'une complice ».
    De fait, le coup d'État fut très populaire.
    En février 1852, Guizot écrivait à sa fille : « Le pays, il serait puéril de le dissimuler, le gros [du] pays s'est félicité du coup d'État du 2 décembre. Il s'est senti délivré dans le présent de l'impuissance à laquelle l'Assemblée et le Président se réduisaient mutuellement. »
    George Sand, encore moins suspecte de complaisance, se confiait en ces termes à Mazzini : « Il y a eu terreur et calomnie avec excès, mais le peuple eût voté sans cela comme il a voté. En 1852, ce 1852 rêvé par les Républicains comme le terme de leurs désirs et le signal d'une révolution terrible, la déception eût été bien autrement épouvantable. Le peuple eût résisté à la loi du suffrage restreint et voté envers et contre tout, mais pour qui? Pour Napoléon! »
    Jules Ferry, lui-même, reconnut l'authenticité du vote, y discernant la même expression de la détermination de la classe paysanne que lors de l'élection présidentielle, détermination qu'allait affirmer encore davantage la ratification de l'Empire: « Un jour les masses agricoles montrèrent qu'elles pouvaient vouloir. Le paysan voulut couronner sa légende et d'un mot fit l'Empire. Ce mot-là fut passionné, libre, sincère. Il le répéta trois fois et avec plus d'enthousiasme en 1852 qu'en 1848 et 1851. »
    Thèse que Prévost-Paradol corrobore en s'écriant, dans un véritable accès de rage : « Je suis, quant à moi, guéri du suffrage universel et j'emploie mes loisirs à guérir les autres. »
    Car c'est là le constat, incontournable : le suffrage universel s'est bel et bien exprimé, librement, largement, en faveur de Louis Napoléon. Le seul crime de celui-ci est de l'avoir rétabli, fidèle dans cette démarche au principe de toute son existence.
    On pourra trouver cela regrettable, incompréhensible, affligeant, fâcheux, incroyable, mais c'est ainsi: à l'époque, le corps électoral ne voulait pas donner la majorité aux républicains. Las de ses propres divisions, il réclamait Louis Napoléon.
    Durant des décennies, en noircissant à plaisir l'acte, le dessein et la personne de Louis Napoléon, cette vérité, cette simple vérité aura été occultée.
    Ce camouflage prendra dans l'Histoire d'autres formes que celle de cette réputation salie : il résulte de l'étonnant rapport que, depuis lors et jusqu'à une période toute récente, la gauche entretient avec le suffrage universel, rapport fait d'adulation apparente et de méfiance réelle, et qui inspirera encore sa conduite en 1958 et lors de la campagne référendaire de 1962. Pour elle, le suffrage universel doit être « médiatisé », au sens littéral du terme. Il est hors de question de laisser le peuple en faire trop librement usage...
    A plus de cent ans de distance, ceux qui croyaient avoir à défendre, une fois encore, la liberté... contre les aspirations du peuple, ne manquèrent pas d'établir un parallèle entre le 13 mai 1958 et le 2 décembre 1851.
    En recourant à cette comparaison, ils entendaient jeter l'opprobre sur Charles de Gaulle et réaliser à son détriment l'opération si magnifiquement réussie contre le prince-président.
    C'était évidemment se tromper du tout au tout, et prendre un fantasme pour la réalité. Mais, peut-être secrètement espérée pour justifier la légitimité du pronostic, l'atteinte aux libertés se fit attendre et ne vint jamais. D'ailleurs, s'il

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