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Louis Napoléon le Grand

Louis Napoléon le Grand

Titel: Louis Napoléon le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Séguin
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parti d'en profiter pour neutraliser les empêcheurs de tourner en rond. Une fois les choses accomplies, Prosper Mérimée a exprimé, de manière quelque peu cynique, ce qui avait dû être un sentiment dominant : « Nos rouges ont reçu une raclée solide et les badauds quelques éclaboussures qui les obligeront à l'avenir à se tenir tranquilles chez eux [...]. Il me semble que si on avait laissé grandir cet enfant, il en aurait fait de belles en 1852... »
    ***
    C'est dire qu'à la répression légale, voulue et organisée à l'échelon central, et qui, manifestement, excédait déjà les intentions présidentielles, il y a lieu d'ajouter celle qui résulte des « initiatives » de la province.
    Les chiffres avancés en ce domaine sont donc à manipuler avec beaucoup de précautions.
    Il y eut, semble-t-il, plus de vingt-six mille arrestations, le sort des suspects étant soumis à l'examen de commissions mixtes composées du préfet, d'un général et d'un magistrat. Sur ce total, un peu moins de la moitié des personnes incarcérées furent rapidement libérées, un peu plus de cinq mille simplement placées sous surveillance. Il y eut neuf mille cinq cent trente déportations en Algérie et deux mille huit cents internements. Pour cinq représentants orléanistes et soixante-dix républicains (dont Victor Hugo et Edgar Quinet), ce fut l'exil.
    Louis Napoléon va se montrer sincèrement affecté et même désespéré par les conséquences humaines du coup d'État. Qu'il ait été dépassé par le développement des événements et par leurs conséquences, c'est plus qu'évident... Il y a eu des exécutants malhabiles ou trop zélés.
    Surtout, en abattant le fragile rempart de la légalité, on a donné libre cours à des haines et à des passions dont il était probablement difficile de saisir l'ampleur et de maîtriser les effets.
    Oui, sans doute, comme l'écrit le général de Barail, « Louis Napoléon n'a pas fait tout ce qu'il voulait et il n'a pas voulu tout ce qu'il a fait ».
    Lui-même l'avouera à George Sand, en janvier 1853, quand elle obtient de lui une audience et sollicite des mesures de clémence pour certains de ses amis : « Ah, c'est vrai, mais ce n'est pas moi [...]. Demandez tout ce que vous voudrez, pour qui vous voudrez ! » Et plus tard, devant Daru, il eut ce cri d'accablement, empreint de lassitude et de regret : « Je ne pouvais agir autrement. »

    Dès lors, Louis Napoléon ne va ménager aucun effort en vue d'atténuer la répression et d'obtenir, avec le pardon, la réconciliation. A son initiative est créée bientôt une commission « dans le but de donner son avis sur les mesures de clémence qui seraient sollicitées en faveur des insurgés à l'égard desquels les commissions mixtes auraient statué ».
    Et comme si cela ne suffisait pas, il désigne trois commissaires... chargés de surveiller le travail de la commission, c'est-à-dire de la pousser aussi systématiquement que possible à l'indulgence.
    A partir de mars 1852, chacun des trois commissaires se met au travail avec une ardeur inégale et des résultats contrastés. Le général Espinasse rapporte trois cents grâces ou commutations, le général Canrobert sept cent vingt-sept, ce qui n'est rien à côté de ce que réalise le conseiller d'État Quentin-Bauchart, avec un total de trois mille quatre cent quarante et un. Ce dernier recevra d'ailleurs de Louis Napoléon une lettre le louant pour sa générosité : « Vous seul, écrit-il, avez compris ma pensée. »
    Louis Napoléon ne se priva pas, du reste, d'accorder directement sa grâce. Comme le firent Morny — il est juste de le reconnaître — et beaucoup d'autres hommes en place.
    Une telle attitude, jointe aux conflits de compétence entre la police, la justice et l'armée, ainsi qu'au soutien bienveillant de l'opinion publique, eut pour effet de ramener dès 1853 le nombre des condamnés à près de six mille. Ce chiffre ne cessa de diminuer avec régularité, du fait d'un grand libéralisme dans l'octroi des grâces, lesquelles étaient souvent précédées d'un engagement, soità ne plus militer, soit à reconnaître et à respecter le nouveau régime.
    Le destin d'un Louis Bouloumié est assez révélateur du sort de plusieurs milliers de vaincus du coup d'État. Il confirme combien, après la rigueur et la confusion initiales, l'attitude envers les proscrits fut généralement inspirée par une volonté de retour à la normale. Il donne quelques

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