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Louis Napoléon le Grand

Louis Napoléon le Grand

Titel: Louis Napoléon le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Séguin
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cadence folle : il y avait tant de décisions qu'il avait dû différer, tant d'espoirs qu'il n'avait pu concrétiser, tant d'initiatives qu'il avait conservées dans ses cartons que, désormais libre d'agir, il manifestait beaucoup de hâte à récupérer le temps perdu.
    On a surtout retenu de cette période les mesures restrictivesde liberté dont il assume, sans nul doute, l'entière responsabilité. N'y a-t-il pas lieu cependant de se reporter au contexte de l'époque : il avait fallu mettre trente-deux départements en état de siège, et la première des priorités consistait à rétablir l'ordre, rétablissement attendu par le pays, dans sa grande majorité. Il est vrai que, comme souvent en semblables circonstances, on n'était guère regardant sur les moyens — pouvoir discrétionnaire de la police, arrestations arbitraires — et c'est un fait que Louis Napoléon ne semble pas avoir beaucoup regardé.
    Ainsi peut s'expliquer, sinon se justifier, le décret sur la presse du 17 février, qui aggrave les conditions de timbre et de cautionnement et crée un système d'avertissements pour les journaux politiques. Faut-il préciser que ces mesures allaient dans le sens de celles qui avaient déjà été prises depuis 1848 et qu'au surplus la censure n'était pas établie formellement? Comme l'a relevé Louis Girard, tout cela n'empêcha d'ailleurs pas la petite presse, beaucoup plus libre, de pulluler.
    Mais, surtout, ce n'était pas là l'essentiel des préoccupations de Louis Napoléon. Beaucoup plus importants pour lui furent les textes qu'il signa concernant l'octroi de nouvelles concessions de chemins de fer, l'extension du télégraphe, la création du Crédit foncier, l'institution de sociétés de secours mutuel...
    Après cette escapade de plusieurs mois hors de la légalité, la France finit par y revenir le 29 mars 1852. Ce jour-là, Louis Napoléon donna le coup d'envoi de la nouvelle législature en s'adressant au Sénat et au Corps législatif réunis pour la circonstance, au lendemain d'élections triomphales: « La dictature que le peuple m'avait confiée cesse aujourd'hui. Les choses vont reprendre leur cours régulier. »
    Tout rentrait donc dans l'ordre, mais dans un nouvel ordre. Défini par une nouvelle constitution, désormais promulguée, et dont tous les rouages étaient en place; marqué aussi par les résultats de l'activité fébrile qui avait caractérisé les longues semaines d'un pouvoir sans partage.
    Cette nouvelle constitution avait été conçue pour remédier aux imperfections de l'ancienne et pour donner au président, enfin, les moyens de gouverner. Rédigée, dit-on, en fort peu de temps, et faisant référence aux principes de 1789, elle s'inspirait fortement du Consulat. Elle était en fait l'oeuvre de Rouher et Troplong que Louis Napoléon avait chargés d'accélérer la marched'une commission pléthorique, dont les travaux lui paraissaient s'éterniser.
    Qu'il s'agisse d'une constitution autoritaire, ou à tout le moins « musclée », n'est pas discutable. Mais parler, à son propos, de l'organisation d'une dictature, et plus précisément de la dictature d'un seul, est plus difficile à soutenir. On reprendra plutôt l'expression utilisée par Jean-Pierre Rioux pour caractériser le nouveau système: « une démocratie efficace, autoritaire et populaire ».
    Une démocratie, d'abord, parce que le principe de la souveraineté s'y trouve bien explicitement placé dans le suffrage universel ; suffrage universel s'exprimant, occasionnellement, par les plébiscites et, plus régulièrement, par les élections. Ensuite, parce que les innovations apportées dans le domaine des procédures parlementaires ne méritent pas tout le mal qu'on en a dit.
    On a par exemple monté en épingle le fait que la tribune avait été supprimée. Mais, contrairement à ce que cherchent à faire accroire certains commentateurs sournois, les députés n'étaient pas privés pour autant du droit à la parole. En souhaitant depuis longtemps, avant même son retour en France, que les parlementaires s'expriment de leur place, Louis Napoléon entendait seulement s'inspirer de l'exemple britannique et faire en sorte que les interventions gagnent en concision et en densité. La logorrhée verbale, travers de la II e République, était là pour démontrer, a contrario, les avantages de la formule retenue. Aujourd'hui encore, la litanie des discours, où les mêmes arguments sont rabâchés avec

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