Louis XIV - Tome 1 - Le Roi soleil
dans Paris, et découvrir cette foule de mendiants, de gredins qui portent épée et chapeau comme s’ils étaient gentilshommes de bonne noblesse.
Ils sont le visage du désordre, il faut qu’un édit les condamne ! Qu’on les enferme. Ils ternissent le royaume. Ils vivent dans le péché, beaucoup de leurs enfants ne sont pas baptisés, ignorent la religion, méprisent les sacrements, et se livrent à toutes sortes de vices. Ils attirent la malédiction de Dieu.
Il approuve les termes de l’édit qui interdira le vagabondage et la mendicité, et vouera à l’enfermement à la Pitié, à la Salpêtrière, à Bicêtre, à la Savonnerie, qui constitueront l’Hôpital général de Paris, les mendiants de la capitale.
Le royaume doit être en ordre en toutes ses parties, et c’est devoir de roi de veiller à ce que ses sujets ne se rebellent pas, ne créent pas de troubles.
Il se souvient des agitations terribles de la Fronde.
Il écoute son confesseur lui parler de cette querelle qui oppose des chrétiens, ceux qui se réclament des œuvres d’un certain Jansénius – « condamné par le pape, Sire, vous le savez » – et qui s’obstinent dans l’hérésie, autour de l’abbaye de Port-Royal des Champs. Ces « jansénistes » troublent l’ordre, critiquent les jésuites, trop complaisants à les entendre. Louis s’irrite. A-t-on besoin de cette querelle ? Il interroge le père Paulin, exige qu’on lui lise l’une de ces lettres, les Provinciales , dont tout le monde parle, écrite par un certain Biaise Pascal et qui se moque des jésuites.
Ils sont accusés de tout accepter dès lors que l’intention de l’acte commis – fût-il condamné par l’Église – n’est pas mauvaise.
« Ils contentent le monde en permettant les actions, et ils satisfont l’Évangile en purifiant les intentions. »
Louis n’a pas de goût pour cette querelle. Il se méfie de ces jansénistes, du miracle qui aurait sauvé de la maladie une nièce de Pascal et de l’engouement des princes et des ducs pour cet Arnauld d’Andilly qui réside dans l’abbaye de Port-Royal des Champs devenue une sorte de lieu de pèlerinage.
Il se défie de ce mouvement qui entraîne ceux qui furent presque des frondeurs, et notamment le prince de Conti.
Il voudrait agir, condamner, mais Son Éminence tergiverse, ordonne la fermeture des Petites Écoles créées pour l’instruction des enfants des jansénistes, mais il ne va pas au-delà, alors qu’il faudrait appliquer avec rigueur la bulle pontificale stigmatisant ces hérétiques.
Mais c’est Son Éminence qui gouverne, qui préfère toujours la négociation à l’affrontement, qui voudrait un accord avec l’Espagne, parce que la guerre coûte trop cher, que les caisses sont vides, qu’une défaite succède à une victoire.
Turenne est battu à Valenciennes, vainqueur à Capelle, mais demain ?
Louis subit cette leçon de prudence.
Il arrive des Pays-Bas espagnols. Il a chevauché en territoire conquis, heureux d’être à la tête des troupes, de traverser des villages où la population soumise et apeurée fait allégeance au roi de France.
Et il lui faut écouter Nicolas Fouquet, ce surintendant des Finances qui, avec l’élégance d’un grand seigneur, annonce que les financiers se dérobent, refusent de prêter au roi. Il a dû exiger un prêt personnel des membres du Conseil-d’en-Haut.
Louis n’aime pas la superbe de cet homme-là. On lui a rapporté que Nicolas Fouquet comme Colbert, l’homme de Son Éminence, prélèvent au passage, sur les prêts qu’ils obtiennent et les impôts qu’ils collectent, leur part. Nicolas Fouquet a envoyé son frère à Rome, pour que cet abbé achète des sculptures, des tapisseries, des peintures, qui décoreront les résidences du surintendant des Finances à Vaux, Belle-Isle, Saint-Mandé.
Mais comment agir ?
Fouquet est aussi l’homme de Mazarin.
Alors jouer, danser, jouir.
Louis s’habille en Romain, torse cuirassé d’or et d’argent, et il se mêle, dans les jardins du Palais-Royal et les rues de Paris, et ce durant plusieurs jours, à la Cavalcade et course des bagues, entouré de tous les jeunes courtisans.
Il a donné pour devise aux cavaliers qui l’accompagnent, et forment dans cette course son équipe, Ne piu ne par , « Il n’en est pas de plus grand ni de pareil ».
Il lui semble que c’est ce que lui dit, à sa manière, la reine Christine de Suède, cette fille du grand
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