Louis XIV - Tome 1 - Le Roi soleil
de nommer Colbert surintendant général du Commerce, et qu’il songe à le désigner aussi contrôleur général des Finances parce qu’il apprécie les talents de cet homme capable de créer des compagnies de commerce, des manufactures de fil, de favoriser l’installation en France du Hollandais Van Robais, fabricant de draps, Louis dit à Colbert, aux maréchaux de Villeroy et de Gramont, à Lionne et à Le Tellier :
— Vous êtes mes amis, ceux en qui j’ai le plus de confiance. Les femmes ont bien du pouvoir sur ceux de mon âge. Je vous ordonne, si vous remarquiez qu’une femme, quelle qu’elle puisse être, me gouverne le moins du monde, vous ayez à m’en avertir. Je ne veux que vingt-quatre heures pour m’en débarrasser, et vous donner contentement.
Les affaires du royaume sont affaires d’hommes.
Elles ne peuvent être réglées que par le roi prenant conseil des ministres qui l’entourent.
Il le dit :
— Dès lors que vous donnez la liberté à une femme de vous parler de choses importantes, il est impossible qu’elle ne vous fasse faillir.
Comment pourrait-on se fier à des « précieuses ridicules », dont Molière a eu raison de se moquer ?
Que pourraient-elles dire des finances et de l’épargne de l’État dans lesquelles Colbert essaie de mettre de l’ordre en dressant dans un Grand Livre l’« état au vrai » des recettes et des dépenses de l’année précédente ?
Et l’ordre, après ces quatre années durant lesquelles il a régné, il sait qu’il faut l’imposer partout. Des provinces, comme l’Auvergne, échappent à la Justice royale. Des seigneurs font régner la terreur à leur profit, volant et violant, terrorisant les paysans.
Louis ordonne que des magistrats parisiens se rendent en Auvergne, et que durant ces « Grands Jours » ils punissent, sans s’arrêter à la qualité nobiliaire ou roturière des coupables.
Il faut purger la montagne d’une infinité de désordres et de crimes atroces, y faire régner la justice et régner par elle dans l’État.
Et il faudra que Paris cesse d’être ce nid de voleurs et d’assassins.
On vient d’y tuer le lieutenant général Tardieu et son épouse pour les dépouiller.
Il est impossible d’y sortir la nuit sans risquer sa vie.
Le jour, on s’enfonce dans la boue car les rues ne sont pas pavées, et les laquais qui s’autorisent à porter l’épée se sont ligués entre eux et font la loi, bousculant, dépouillant, battant et parfois tuant ceux qui leur résistent.
Il faut changer cela. Et il charge Colbert d’étudier les mesures nécessaires.
Louis veut aussi qu’on achève au plus tôt ces agrandissements, ces embellissements du Louvre.
Qu’on fasse appel à ce sculpteur et architecte italien, le Bernin, pour qu’il donne enfin au Louvre la majesté digne du palais du plus grand des rois d’Europe. Et Louis pose pour le Bernin qui sculpte son buste.
Les courtisans se tiennent à distance, formant dans la pièce une couronne chatoyante.
De cette foule qui chuchote un homme se détache. C’est Racine, l’écrivain qui vient au grand dépit de Molière de donner sa dernière pièce, Alexandre le Grand , aux comédiens de l’hôtel de Bourgogne et non à la troupe de Molière, au Palais-Royal.
Racine s’incline, commence à lire la dédicace de sa pièce.
« L’histoire, dit-il d’une voix forte, est pleine de jeunes conquérants et il n’est pas extraordinaire de voir l’un d’eux gagner des batailles et même mettre le feu à toute la terre. Mais Votre Majesté me permettra de lui dire que, devant elle, on n’a point vu de roi qui, à l’âge d’Alexandre, ait eu la conduite d’Auguste, et qui sans s’éloigner du centre de son royaume ait répandu sa lumière jusqu’au bout du monde. »
32.
Louis a froid.
En ces premiers jours de janvier 1666, malgré les troncs d’arbres qui brûlent dans les hautes cheminées du palais du Louvre, il ne peut se réchauffer.
La glace est en lui.
Il traverse les salons. Les courtisans s’inclinent, chuchotent un compliment, sollicitent une faveur, tendant un placet qu’ils veulent remettre au roi en mains propres, prononcent d’une voix tremblante une louange.
Il écoute ces murmures.
Il ne s’étonne pas de cette émotion qui saisit des hommes illustres et âgés lorsqu’ils s’adressent à lui, lui répondent : « Sire, j’obéis. »
Mais il sait aussi qu’il ne doit pas oublier que la
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