Louis XIV - Tome 1 - Le Roi soleil
s’offrir.
Et la reine est absente. Marie-Thérèse a préféré garder la chambre, grosse qu’elle est d’une prochaine naissance.
D’un signe, Louis demande aux violons du roi, debout sur une estrade, de commencer à jouer.
Dès les premières notes, il sent en lui naître une joie, une énergie, qu’il veut contenir.
Mais le désir est le plus fort. Il tend la main à Louise de La Vallière tout en regardant Athénaïs de Montespan, qui ne baisse pas les yeux. Et il en est troublé et irrité.
S’il cédait à cette pulsion qui l’envahit, il saisirait le bras de cette jeune femme et il l’entraînerait.
Mais c’est avec Louise de La Vallière qu’il ouvre le bal, le premier depuis la mort d’Anne d’Autriche. Et il a décidé que désormais, tout en respectant la reine, il afficherait son penchant pour telle ou telle femme qui aurait ses faveurs.
Et tout en dansant, son regard ne quitte pas Athénaïs de Rochechouart de Mortemart, marquise de Montespan.
À chaque pas de danse, Louise de La Vallière trébuche, comme si sa claudication s’était accentuée.
Louis sent qu’elle se raidit, qu’elle se meut sans grâce et sans joie, qu’elle n’est pas rayonnante, comme elle devrait l’être puisqu’elle a été choisie par le roi. Elle devrait être la plus belle et la plus brillante des femmes, puisqu’elle est la plus proche du Roi-Soleil, qu’il l’éclaire après l’avoir distinguée.
Mais il a l’impression qu’elle obscurcit sa propre gloire au lieu d’en attiser les feux.
Une idée peu à peu le gagne, l’attriste et le réjouit dans un même mouvement.
Louise de La Vallière appartient désormais à ce passé que la mort d’Anne d’Autriche a scellé.
Louis veut qu’on sache qu’il va désormais conduire autrement le royaume.
Il a convoqué Colbert, lui donnant l’ordre de brûler les comptes secrets du cardinal de Mazarin. Voilà pour le passé.
Il ordonne à Hugues de Lionne de faire connaître à l’Angleterre que le royaume de France a décidé d’apporter son soutien à la Hollande, et donc de se joindre à elle dans la guerre qu’elle mène contre Londres. Et il veut que, sans tarder, on envoie six mille hommes de troupe contre les reîtres et les lansquenets que l’évêque de Münster, von Galen, a loués aux Anglais pour attaquer les Provinces-Unies par voie de terre.
Il faut que le roi d’Angleterre, Charles II, comprenne que Louis le Grand n’est plus entravé dans sa volonté guerrière par les prudences de sa mère.
Et maintenant qu’elle est morte, elle l’Espagnole, il veut être prêt à faire la guerre à l’Espagne qui n’est gouvernée depuis la mort de Philippe IV que par une régente et un enfant de cinq ans.
Or la France a des droits sur la succession d’Espagne, puisque Madrid n’a jamais versé la dot de cinq cent mille écus d’or prévue lors du mariage de Marie-Thérèse et du roi de France.
Louis le répète à Hugues de Lionne, à Colbert, à Louvois qui, avec son père Le Tellier, est en charge de l’armée et donc de la guerre.
Il ne renoncera pas à cet héritage espagnol auquel il peut avoir droit. Et il sait bien qu’à Madrid, on n’est pas disposé à accepter les clauses du traité de mariage. On souhaite que les possessions espagnoles tombent entre les mains de la sœur cadette de Marie-Thérèse, échappant ainsi à la reine de France, et qu’elles passent, par mariage, à l’empereur Léopold I er .
Inacceptable, martèle Louis.
Il veut qu’on crée de nouveaux régiments, qu’on enrôle des mercenaires suisses, que dans les manufactures on fonde plusieurs centaines de canons, qu’on crée des réserves de munitions, d’armes, d’uniformes.
Il va passer les troupes en revue, les faire manœuvrer.
Il chevauche, entouré de princes et de jeunes femmes, dans les environs de Fontainebleau, et il éprouve à commander, à organiser des simulacres de batailles, un plaisir qui le comble. La guerre est métier de roi.
Il assiège la ville de Moret, afin de montrer à ces dames qui l’accompagnent comment on prend une place.
Il demande à ce que l’on mette à la disposition des troupes des tentes de toutes les couleurs, et il jouit depuis le sommet d’une colline de ce spectacle du camp militaire bariolé.
C’est une sorte de ballet guerrier, la forme la plus martiale et la plus royale d’une chorégraphie dont il veut être le créateur, l’ordonnateur et l’acteur.
Il caracole
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