Louis XIV - Tome 2 - L'hiver du grand roi
traité pour que d’autres soient enfin conclus et que cette guerre se termine.
Et maintenant, Louis est assis dans ce carrosse aux côtés de Monsieur et ils roulent vers Montargis, en ce dimanche 4 novembre 1696, pour y rencontrer Marie-Adélaïde de Savoie, qui doit épouser le duc de Bourgogne.
Les deux héritiers sont si jeunes qu’il faudra attendre plus d’un an pour que le mariage soit célébré, mais Marie-Adélaïde va vivre à la cour de France.
Mme de Maintenon veillera à son éducation, et cette fille d’à peine treize ans lui a déjà envoyé plusieurs lettres, qui ont ému Louis.
L’écriture est enfantine, la spontanéité et la candeur, l’enthousiasme s’y expriment simplement :
« Maman m’a chargée de vous faire mille amitiés de sa part et de vous demander la vôtre pour moi. Apprenez-moi bien, je vous prie, tout ce qu’il faut faire pour plaire au roi », a-t-elle écrit.
Il est impatient de la voir.
Il s’étonne même d’éprouver de la joie, de la gaieté, alors que depuis des mois il ne rit plus, qu’il lui semble qu’autour de lui et en lui, la mort guette.
Il est six heures du soir.
Il aperçoit les porteurs de torches qui entourent le carrosse de Marie-Adélaïde de Savoie. Il a l’impression que son corps est devenu léger. Il descend. Il voit cette petite fille joyeuse qui l’embrasse. Et Monsieur, qui est derrière lui, se précipite, se jette à son cou, l’embrasse aussi.
Il lui rappelle que le duc de Bourgogne ne l’a pas encore saluée. Mais il parle avec indulgence. Monsieur est le grand-père de Marie-Adélaïde de Savoie et lui, le grand-père du duc de Bourgogne.
Le soir il ne peut s’endormir, ému, gai. Il a le sentiment que cette petite fille qui sera duchesse de Bourgogne, et un jour reine de France, a la vivacité d’un soleil levant.
Il veut partager sa joie. Il écrit à Mme de Maintenon :
« À six heures et demie, approchant les flambeaux de son visage, je l’ai considérée de toutes manières pour vous mander ce qu’il m’en semble. Elle a la meilleure grâce et la plus belle taille que j’aie jamais vues, habillée à peindre et coiffée de même, des yeux vifs et très beaux, des paupières noires et admirables, le teint fort uni, blanc et rouge, les plus beaux cheveux noirs que l’on puisse voir. Elle est maigre comme il convient à son âge, la bouche fort vermeille, les lèvres grosses, les dents blanches, longues et très mal plantées, les mains bien faites…»
Il s’interrompt. Il veut assister au souper et au coucher de Marie-Adélaïde de Savoie.
Puis il reprend la plume :
« À dix heures. Plus je vois la princesse, plus je suis satisfait. Je l’ai vue déshabiller ; elle a la taille très belle, on peut dire parfaite, et une modestie qui vous plaira. Tout s’est bien passé à l’égard de mon frère. Il est fort chagrin. Il dit qu’il est malade. Nous partirons demain. Je suis très content. »
À Nemours, le lendemain, il voit courir vers le carrosse le duc de Bourgogne venu à leur rencontre avec son gouverneur, le duc de Beauvillier.
Il fait monter son petit-fils dans le carrosse, et il observe les deux jeunes gens, qu’il a fait asseoir de chaque côté de lui.
L’avenir de la famille royale, le destin du royaume sont là, vivants.
La mort recule donc.
Il a l’impression, dans les semaines qui suivent, que Marie-Adélaïde lui donne une part de sa gaieté et de sa jeunesse.
Il a cinquante-huit ans. Elle en a treize.
Il n’a jamais connu la compagnie d’une petite fille. Il remercie Dieu de lui avoir donné cette joie, cette enfant vive et curieuse.
Il veut la voir à chaque instant de la journée.
Il lui fait visiter les jardins, le château. Il la conduit à Marly. Il la fait entrer dans le cabinet où sont exposés ses collections, ses tableaux, ses sculptures. Il veut même qu’elle soit là, près de lui, quand le Conseil se réunit.
Il aime qu’elle vienne se blottir contre lui, qu’elle s’installe sur ses genoux, puis qu’elle coure et qu’elle embrasse Françoise de Maintenon.
Il ne se lasse pas de la regarder jouer avec ses poupées.
Il sait qu’à la Cour, on dit qu’« il n’a rien d’autre en tête que cette enfant ».
Il devine que Monsieur est irrité. Son épouse, la Palatine, a perdu le premier rang qu’elle occupait depuis la mort de la dauphine.
Elle est amère. Élisabeth Charlotte écrit :
« Cette fillette est bien italienne
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