Louis XIV - Tome 2 - L'hiver du grand roi
Mlle de Nantes, épouse du prince de Condé, et donc Mme la duchesse.
Il fait sauter les serrures. Il sort les liasses vieilles de plus de vingt ans.
Il ne les ouvre pas. Tout cela ne doit pas exister. Tout cela doit être ignoré. Tout cela, les poisons, les messes noires, les poudres et les philtres, les accusations contre Athénaïs, n’a jamais eu lieu.
Il jette l’une après l’autre les liasses dans la cheminée.
Les flammes, d’abord vives, sont étouffées peu à peu par les cendres qui s’accumulent.
De ce passé, il ne reste que cette poussière noire.
Il est Roi Très-Chrétien du royaume de France qui ne doit penser qu’à l’avenir de sa dynastie, qui se confond avec celui de ses sujets.
35.
Dans le grand cabinet, il s’approche du maréchal de Villars.
Il veut lui confier le commandement de l’armée des Flandres, alors que la situation des troupes françaises face aux régiments anglais et hollandais du duc de Marlborough et du prince Eugène de Savoie est périlleuse, et quelquefois il pense, s’efforçant d’oublier ce mot, désespérée.
Un grand roi qui veut assurer l’avenir de sa dynastie et de son royaume, qui sert Dieu et croit à sa bienveillance, ne doit jamais perdre l’espoir. Et cependant, les gentilshommes blessés qui rentrent à Versailles après avoir combattu en Flandre décrivent des troupes découragées, mal ou point payées, désertant en foule.
Tournai est tombé, la citadelle résiste encore, mais pour combien de jours ?
Il sait qu’elle est condamnée, même si M. de Surville qui la commande a une conduite héroïque et si la ville ne s’est rendue qu’après un siège de près de deux mois.
Maintenant, les troupes d’Eugène et de Marlborough peuvent avancer, fortes de près de cent dix mille hommes accompagnés d’une puissante artillerie.
Il faut les arrêter, leur montrer que lorsque l’honneur français est en jeu, l’armée royale ne se débande pas.
Et pour cela il faut qu’elle ait un chef qui a fait ses preuves.
Louis ouvre les bras, serre le maréchal de Villars contre lui et l’embrasse. Il devine l’émotion de Villars.
— Je mets ma confiance en Dieu et en vous, dit Louis. Mais je ne puis rien vous ordonner puisque je ne puis vous donner aucun secours.
Il espère en Villars qui a sous son commandement quatre-vingt mille hommes, semblant décidés à combattre avec détermination.
Villars a dit que lorsqu’il leur a lu l’appel du roi, ils ont répondu par des « Vive le roi ! » enthousiastes, en brandissant leurs fusils armés de baïonnettes.
Villars leur a répondu :
— Nous voici à la veille des grandes actions qui peuvent décider du salut de l’État.
Il faut attendre, apprendre par les courriers que les deux armées sont face à face à Malplaquet, non loin de Mons, que le maréchal de Boufflers est tout aussi résolu que Villars, et que les deux maréchaux sont dans une parfaite entente.
Puis, le 13 septembre, un officier arrive à Marly, annonce que la bataille a fait rage, que le maréchal de Villars qui conduisait les charges, creusant des sillons sanglants dans les rangs hollandais, a été grièvement blessé au genou, et qu’en dépit de ses protestations on a été contraint de l’évacuer.
Jamais, dit l’officier, on n’a vu autant de morts entassés enlacés sur un champ de bataille ; les pertes françaises seraient moins fortes que celles des armées anglo-hollandaises.
Louis écoute, ne pouvant s’empêcher d’exprimer sa tristesse et sa déception quand il apprend que le maréchal de Boufflers a décidé d’ordonner la retraite, livrant ainsi Mons à l’ennemi.
Autour de lui, Louis ne voit que visages consternés et inquiets, car toutes les dépêches confirment que les morts se comptent par milliers, et que parmi eux on compte un grand nombre de gentilshommes qui ont à la Cour femmes, parents, amis.
Louis s’interroge. Si les troupes d’Eugène et de Marlborough ont essuyé plus de pertes que les françaises, pourquoi leur avoir abandonné le champ de bataille et concédé ainsi la victoire ?
Et puis, il reçoit ces quelques mots du maréchal de Villars :
« Si Dieu nous fait la grâce de perdre encore une pareille bataille, Votre Majesté peut compter que ses ennemis sont détruits. ».
Défaite ? Victoire ?
L’armée a reculé en bon ordre. Elle a blessé profondément l’ennemi, sans doute même l’a-t-elle arrêté.
Il se rassure.
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