Louis XIV - Tome 2 - L'hiver du grand roi
faire jouir de la paix, je suis persuadé qu’ils s’opposeraient eux-mêmes à la recevoir à des conditions également contraires à la justice et à l’honneur du nom français. »
Il ferme les yeux.
Il est le roi de France, Louis le Grand, le Roi Très-Chrétien.
« Comme je mets ma confiance en la protection de Dieu, reprend-il, et j’espère que la pureté de mes intentions attirera les bénédictions divines sur les armes, j’écris aux archevêques et aux évêques de mon royaume d’exciter encore la ferveur des prières dans leurs diocèses.
« Et je veux en même temps que mes peuples, dans l’étendue des provinces, apprennent des gouverneurs qu’ils jouiraient de la paix s’il eût dépendu seulement de ma volonté de leur procurer un bien qu’ils désirent avec raison, mais qu’il faut acquérir par de nouveaux efforts, puisque les concessions immenses que j’avais accordées sont inutiles pour le rétablissement de la tranquillité publique. »
Il attend dans les jours qui suivent les rapports que lui envoient les intendants et celui du lieutenant général de police d’Argenson.
À la lecture des premiers qu’il reçoit, il a le sentiment que sa poitrine s’emplit d’un air vif et salubre.
Les intendants signalent que les manouvriers, les paysans s’engagent dans la milice, après avoir entendu la lecture par le curé de l’appel de Sa Majesté.
Dans les villes, on approuve le roi d’avoir refusé de faire la guerre à son petit-fils.
Philippe V est roi d’Espagne par la volonté de Dieu, et exiger de son grand-père qu’il contribue à sa chute est contre tout droit et contre toute justice.
Oui, dit-on, l’honneur français ne l’accepte pas.
Il reçoit d’Argenson.
Celui-ci lui indique que la foule s’est rassemblée devant l’imprimerie dans laquelle l’appel, dont les premiers exemplaires s’étaient arrachés, est réédité.
Il reste impassible, mais il remercie Dieu pour cette grâce.
Car il n’est de grand roi que celui qui veut le bien et la gloire de son royaume, et celui qui reçoit l’aide et l’amour de ses sujets.
Il a l’impression qu’il vient de recevoir, alors que la fin de sa vie approche, la confirmation de son sacre.
Il veut remercier Dieu, et il donne satisfaction à Le Tellier qui ne cesse de le mettre en garde contre ces jansénistes qui, malgré les condamnations pontificales, continuent d’infester l’Église de leur hérésie sur la grâce, à laquelle les œuvres ne pourraient concourir.
Il autorise donc la destruction de l’abbaye de Port-Royal, et l’expulsion puis la dispersion dans d’autres couvents des dernières religieuses qui s’y trouvent encore.
Il apprend qu’il faut déterrer les restes de trois mille morts enfouis dans le cimetière de l’abbaye, et ceux qui ne seront pas réclamés par leurs familles seront déversés dans une fosse commune. Et on labourera la terre, on sèmera sur l’emplacement de l’abbaye. Mais force doit rester à l’Église qui est celle de la religion du roi.
Et Dieu en saura gré au Roi Très-Chrétien.
Il est ce souverain-là, qui honore Dieu, qui écoute son confesseur et assiste chaque jour à la messe, qui est conforté dans sa foi par la présence de la pieuse et charitable Mme de Maintenon, épouse fidèle devant Dieu.
Il voudrait que sa vie de débauche et d’adultère n’ait pas existé. Quand il apprend que La Reynie, l’ancien lieutenant général de police, vient de mourir, c’est toute cette époque, celle des soupçons, des messes noires, des accusations contre Athénaïs de Montespan de Mortemart, qui lui revient en mémoire.
Il convoque Maître Nicolas Gaudion qui a la garde de tous les interrogatoires des coupables qui avaient mis en cause Athénaïs ou sa dame de compagnie, Mlle des Œillets.
Maître Gaudion s’avance, ce 13 juillet 1709, dans les appartements de Mme de Maintenon.
Il porte une cassette en cuir noir contenant les pièces qui avaient été retirées, à la demande de Sa Majesté, du dossier de justice.
Louis regarde le chancelier de France, le comte de Pontchartrain, qui est debout près du fauteuil de damas rouge dans lequel est assise Mme de Maintenon.
Il faut que ces papiers disparaissent, que rien ne demeure de cette époque noire, des accusations contre Athénaïs de Montespan, maîtresse du roi, mère de plusieurs de ses enfants, le duc du Maine, le comte de Toulouse, Mlle de Blois, duchesse d’Orléans, et
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