L'ultime prophétie
occupée.
Archer l'avait rejoint.
— Oui-da. Les Ilduins ont beaucoup à faire.
— En effet, répondit Archer. Laisse-moi monter la tente,
mon ami. Tes conseils m'ont manqué dernièrement.
Tom se contenta de hocher la tête, et tenta — en vain — de
ne pas penser aux funestes avertissements du texte Eshkaron Treysahrans .
— Tu es bien silencieux, Tom.
— En effet, maître Archer.
Archer fronça les sourcils, pensif.
— T'ai-je blessé d'aucune sorte, Tom Downey ? Tu parais
mal à l'aise avec moi et cela depuis notre départ d'Anahar. Si je t'ai offensé,
j'ignore comment, mais je ne t'en présente pas moins mes excuses.
— Vous n'avez rien fait. C'est à moi de vous présenter des
excuses.
— Excuses acceptées. Mais je te connais, tu n'agirais pas
de la sorte sans raison. Je te demande, non pas en tant que souverain, mais en
ami de longue date de ton père et aussi, je l'espère, le tien depuis quelques
mois, de me dire ce qui te rend d'humeur si sombre, prophète.
— Vous avez été un ami fidèle pour mon père et pour moi,
dit Tom en choisissant ses mots avec soin — il se rappelait qu'Erkiah lui avait
recommandé de ne pas discuter de la prophétie avec quiconque. Ne craignez pas
d'avoir failli à cette amitié.
— Si je n'ai pas failli sur ce point, où ai-je failli ?
s'enquit Archer.
Tom leva la tête vers lui.
— Avez-vous besoin de ma bénédiction, Maître Archer ? Vous
savez que vous êtes un homme plein de force et de bonté. Vous avez lutté afin
de libérer les Anari et nous œuvrons aujourd'hui pour libérer le monde de la
poigne de fer de votre frère. Etre de légende, vous avez traversé les temps en
faisant le bien où que vous vous trouviez. Vous êtes un Premier Né et pourtant,
vous venez voir aujourd'hui le modeste orphelin recueilli par un gardien que je
suis afin de lui demander pardon pour des fautes que vous n'avez pas commises ?
Archer le dévisagea quelques instants, comme blessé par ses
paroles. Puis il répondit :
— Oui, Tom Downey. Moi, Archer Blackcloak, moi, Annuvil,
viens voir le modeste orphelin recueilli par un gardien. Car nul n'est modeste,
Tom, si ce n'est celui qui croit l'être ou qui pense que les autres le considèrent
ainsi. Je ne pense pas ainsi. Et toi ?
— Non, dit Tom en baissant la tête. Je suis navré, Maître
Archer. Ma femme me manque et je déverse ma frustration sur vous. Désolé.
— Ne te fie pas à ton épouse, dit Archer. Car c'est
l'espoir qui l'a fait te choisir, l'espoir de te transformer, et immenses sont
ses regrets au cœur de la nuit.
Tom en resta bouche bée.
— Vous citez...
— Eshkaron Treysahrans . Il s'agit d'un poème
ancien, que certains croient prophétique, même si nombre d'hommes plus sages
n'y voient que les élucubrations amères d'une âme amère. Ce texte ne fait aucun
cas de ton amour pour Sara, ni de son amour pour toi. Il ne parle que de la
colère noire d'un homme incapable de ressentir l'once d'un espoir, ni le
moindre amour ou la moindre bonté au fond de lui.
— Vous l'avez lu ?
— Toi aussi, apparemment. Et je sais maintenant pourquoi
tu te sens si mal en ma présence.
— La dernière strophe.., commença Tom.
— Ne mérite pas plus de crédit que le reste. Ce sont les
élucubrations amères d'une âme amère, Tom. Ni plus ni moins.
— Vous ne l'avez pas lu, dit Tom, comprenant enfin. Vous
l'avez écrit.
Archer demeura silencieux un long moment puis hocha la tête.
— Oui, Tom. Je l'ai écrit à une époque où je ne voyais pas
le bien dans ce monde et encore moins en moi. Je n'ai pas toujours vécu comme
le raconte la légende. Je fus souvent plus misérable qu'un animal, en proie au
chagrin, à la souffrance et à la honte. Ce fut au cours de ces heures noires
que j'ai couché ces mots sur le parchemin. Je désire depuis longtemps retrouver
tous les exemplaires de ce texte et les détruire car bien trop d'hommes ont
cherché une sagesse dans ce qui n'était que le délire d'un fou.
16.
Le campement était plongé dans le calme lorsque Archer et
Tom eurent terminé de monter la tente et les quelques commodités destinées à
Sara.
Archer fit ensuite quelque chose qui donna la chair de poule
à Tom.
Il s'agenouilla près du tas de bois et de branches prévu
pour le feu. Il ne sortit pas silex et pierre pour l'allumer mais se contenta
de passer la main au-dessus du
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